#EUCO : en attendant la suite ?

Communiqué de presse de la délégation socialiste française

Le dernier Conseil européen de l’année a validé politiquement le plan d’investissements dont nous avions arraché le principe. C’est en soi une bonne nouvelle, même si nous nous battons pour un plan nettement plus ambitieux, à hauteur de 800 milliards d’euros d’investissements nouveaux. Mais nous saluons ce premier pas.

Nous nous concentrons désormais sur sa mise en œuvre : ses modalités d’une part, avec notamment la question stratégique de la flexibilité pour les participations volontaires et pour les cofinancements nationaux ; la qualité des investissements d’autre part, qui doivent permettre de financer les projets de long terme, indispensables à la réorientation de l’Europe. Débarrassés du poison du « juste retour » – où les Etats membres entendent récupérer d’une main ce qu’ils versent au budget européen de l’autre – ces projets doivent soutenir la convergence des économies, la transition écologique, l’innovation dans les PME, les infrastructures, le numérique, l’éducation, le social et accélérer la création d’emplois décents.

Nous appelons désormais les Vingt-Huit à s’engager explicitement à contribuer financièrement au fonds et rappelons l’urgence de la lutte contre la fraude, l’optimisation et la concurrence fiscales. Cela passe par la transparence sur les « tax rulings », des avancées concrètes sur le projet ACCIS (harmonisation des assiettes fiscales de l’impôt sur les sociétés), et la communication des données comptables pays par pays.

En ce qui concerne la mise en place d’un marché unique du numérique européen, nous serons exigeants pour que les bénéfices profitent aux Européens et à l’industrie culturelle et créatrice européenne ; le résultat ne peut pas être de satisfaire les appétits de quelques multinationales outre-Atlantique.

 

Ce sujet n’est d’ailleurs pas sans lien avec l’appel du Conseil européen à conclure le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement – plus connu sous les noms de TAFTA ou TTIP – avant la fin de l’année 2015 : rien ne justifie une accélération, nous avons toujours dit que la qualité devait l’emporter sur le calendrier. Le Parlement européen devra s’exprimer et nous serons fermes sur nos lignes rouges. Les accords commerciaux n’ont d’intérêt à nos yeux que s’ils sont favorables au juste échange, s’ils servent à lutter contre la pauvreté et favorisent le développement, et à la stricte condition qu’ils ne fragilisent pas les normes européennes notamment en matière sociale, environnementale et sanitaire.

Débat en plénière sur le Processus de Khartoum, l’initiative pour la route migratoire UE-Corne de l’Afrique

J’ai pu intervenir lors du débat en plénière le 17 décembre autour du Processus de Khartoum. Cette initiative a été lancée le 28 novembre dernier à Rome par les pays de l’Union européenne, rejoints par la Norvège et la Suisse, et les pays de la Corne de l’Afrique. Il s’agit pour l’Union et ses États-membres de s’engager dans un dialogue avec les pays d’origine et de transit des migrants afin de s’adresser de manière conjointe au phénomène migratoire sur la route UE-Corne de l’Afrique.

Les interrogations des députés européens sur cette initiative sont nombreuses : comment dialoguer avec des pays qui ne respectent pas l’État de droit, les valeurs démocratiques et les droits fondamentaux? Quelle sera la valeur ajoutée du processus de Khartoum et quels résultats concrets peut-on en attendre? L’objectif de lutte contre l’immigration illégale ne sert-il pas de prétexte pour empêcher les migrants de quitter leurs pays d’origine?

Le Commissaire Dimitris Avramopoulos a tenté de répondre à ces préoccupations, sans être toutefois vraiment convaincant. Il a assuré que ce partenariat ne se limitera pas à la lutte contre l’immigration illégale et les réseaux de passeurs. Selon lui, le processus de Khartoum se traduira par un dialogue durable et une coopération concrète sur toutes les dimensions des migrations. Sur le respect des droits fondamentaux et la protection des plus vulnérables, il a déclaré qu’il s’agira « d’engager les États (de la Corne de l’Afrique) et de les mettre devant leurs responsabilités pour sauver des vies humaines et combattre les trafiquants d’êtres humains ».

S’il est important que l’Union européenne dialogue avec les pays tiers dans le cadre de sa politique migratoire, elle ne pourra le faire en transigeant sur ses valeurs fondamentales.

Voici le texte de mon intervention:

« Une politique européenne globale et cohérente en matière de migrations nécessite un dialogue constant avec les pays d’origine et de transit des migrants. Le processus de Khartoum entre l’Union européenne et les pays de la Corne de l’Afrique participe à cet objectif.

Les États signataires placent la lutte contre l’immigration irrégulière au sommet des priorités de cette initiative, en s’attaquant aux réseaux de passeurs et en ciblant les causes de la migration. Attention toutefois à ne pas faire de cette ambition un prétexte pour former de nouvelles barrières aux migrations. Tout individu a le droit de quitter son pays pour demander l’asile ou chercher un avenir meilleur.

Garantir des voies d’entrées sûres et légales en Europe pour les migrants et les demandeurs d’asile reste la solution la plus adaptée pour mettre un terme aux tragédies en Méditerranée. La discussion sur la migration légale, présentée comme la prochaine étape du dialogue de Khartoum, ne saurait rester lettre morte. Comme l’a déclaré Monsieur le Commissaire Avramopoulos, elle est « le meilleur instrument de lutte contre l’immigration illégale ».

Pour avoir une réelle valeur ajoutée, ce processus ne peut se limiter à une déclaration d’intention qui ne soit pas suivie d’effet. Il n’aura de sens que s’il est assorti de mesures concrètes, dans le plein respect des droits fondamentaux des migrants et des demandeurs d’asile.

Pourtant, les projets issus du processus de Khartoum se mettront en place sur une base volontaire, ne créant aucune obligation au regard du droit international. Peut-on vraiment en attendre des résultats tangibles et une réelle plus-value? Face à cette déclaration sans portée normative, comment par ailleurs s’assurer de la protection des migrants et du plein respect de leurs droits fondamentaux? »

Mon explication de vote sur la motion de rejet sur le projet de Directive carburants

Le Parlement européen s’est prononcé en séance plénière contre une motion de rejet du projet du Conseil de méthode de calcul de la qualité des carburants. Pourtant, cette proposition de directive va à l’opposé de la direction que devrait prendre l’Union européenne en matière de lutte pour la préservation du climat. Au contraire, ce projet va dans le sens des intérêts des lobbys pétroliers, et va favoriser les hydrocarbures les plus sales, comme les sables bitumineux. À l’heure où nous devrions être tous soudés autour de la préparation de la COP 21, et alors que les transports sont parmi les secteurs les plus émetteurs de gaz à effets de serre, la majorité des eurodéputés n’a pas souhaité prendre ses responsabilités vis-à-vis des générations futures, qui subiront demain les conséquences de nos insuffisances d’aujourd’hui en matière de protection du climat. Il est urgent que l’Union européenne travaille enfin à une vraie politique de transition énergétique, qui favorise les carburants alternatifs, plus respectueux de l’environnement, et les modes de transport propres.

Mon explication de vote sur la résolution votée au Parlement européen reconnaissant l’Etat palestinien

Grâce à l’engagement des socialistes européens à l’origine de cette initiative, le Parlement européen a adopté à une très large majorité une résolution en faveur de la reconnaissance de l’État palestinien. Même si le texte aurait pu être plus ambitieux dans sa formulation, ce vote marque un tournant pour l’Union européenne qui n’a cessé, tout au long de son histoire, d’œuvrer pour une solution à deux États. Le Parlement européen a ainsi fait le choix de joindre sa voix à celle des autres parlements nationaux qui ont adopté des résolutions en faveur de la reconnaissance de l’État palestinien. Avec ce vote, les députés européens envoient un signal fort aux capitales européennes et à la Commission pour reconnaitre le droit des Palestiniens à disposer d’un État. Ils adressent aussi un message aux autorités palestiniennes et israéliennes pour rétablir le dialogue et relancer les négociations pour la paix. Cette résolution constitue un premier pas qui alimente le souffle d’espérance en Europe pour la reconnaissance. Elle accompagne également les efforts de la Haute représentante aux affaires extérieures de l’UE, Federica Mogherini, pour que l’Union européenne redevienne un acteur moteur du processus de Paix au Moyen Orient.

La nouvelle stratégie de sécurité intérieure de l’Union européenne

Le Parlement européen vient d’adopter une résolution sur le renouvellement de la stratégie de sécurité intérieure de l’Union européenne pour les années 2015-2019, qui sera présentée l’année prochaine par la Commission.

N’ayant pu intervenir lors du débat en plénière, voici le texte de ma déclaration écrite:

« Le terrorisme et la criminalité organisée constituent une menace croissante pour l’Europe. Les défis sont réels et d’une ampleur nouvelle, bien au-delà des frontières de notre continent. Face à ces risques, la réponse ne peut être qu’européenne, globale et tournée vers l’avenir. L’Union européenne et ses États membres ont la responsabilité de permettre aux citoyens européens de vivre en paix et en sécurité.

L’augmentation rapide du nombre de combattants européens, partis rejoindre les rangs d’organisations terroristes en Syrie et en Irak, représente un danger indéniable pour notre sécurité et touche l’Europe en son cœur. Ce phénomène inquiétant de radicalisation appelle à la mobilisation de toutes les énergies et la mise en commun de nos compétences financières et opérationnelles.

Il est indispensable que le respect de l’état de droit et la protection des droits fondamentaux constituent les principes directeurs de la nouvelle stratégie de sécurité intérieure de l’UE. L’équilibre entre mesures préventives et répressives est essentiel en ce sens, particulièrement pour assurer le respect de la vie privée et la protection des données personnelles des citoyens. La liberté, la sécurité et la justice sont en effet indissociables et doivent le rester. »

Mon explication de vote :

« À travers cette résolution, à laquelle j’ai apporté mon soutien, le Parlement européen présente sa contribution à la nouvelle stratégie de sécurité intérieure de l’UE. Alors qu’elle est confrontée à des menaces croissantes à sa sécurité, l’Union européenne a besoin d’une réponse globale, cohérente et tournée vers l’avenir pour assurer la protection de ses citoyens.

L’augmentation du nombre de combattants européens qui rejoignent des organisations terroristes dans des zones de conflits, et souhaitent revenir en Europe, constitue un risque incontestable pour notre sécurité. Pour faire face à ce phénomène inquiétant, les eurodéputés souhaitent que l’UE adopte une approche transversale s’attaquant notamment à la radicalisation et l’intolérance, aux sources de financement des organisations terroristes et au recrutement. La cybercriminalité, le trafic des êtres humains, la criminalité organisée, le blanchiment d’argent et la corruption suscitent tout autant de préoccupations qui nécessitent des actions coordonnées au niveau européen, avec la participation de tous les États-membres.

Enfin, le Parlement européen rappelle que les mesures de sécurité devraient toujours être guidées par l’équilibre entre la protection des citoyens et le respect de leurs droits fondamentaux. C’est une condition indispensable pour préserver l’intégrité de l’espace européen de liberté, de sécurité et de justice. »

Sables bitumeux : l’Europe sous influence des lobbys pétroliers

Alors que les négociations battent leur plein au niveau international pour aboutir, l’année prochaine à Paris, à un accord mondial sur la lutte contre le dérèglement climatique, les lobbys continuent de favoriser l’utilisation en Europe de pétrole issu des sables bitumeux.
Le Parlement européen s’était par le passé opposé à de nombreuses reprises au pétrole issu de sables bitumeux ; en effet, ce dernier libère plus que tout autre des gaz à effet de serre lors de son extraction, et pollue plus que le forage traditionnel. L’exploitation des réserves pétrolières extraites des sables bitumeux dans la seule Amérique du Nord pourrait faire grimper les niveaux mondiaux de CO2 atmosphérique de 15 %.
« La révision de la directive sur la qualité des carburants menace de renforcer les parts de marché du pétrole issu de sables bitumeux, incitant de facto à en augmenter la production. Nous nous sommes fermement opposés à son adoption et nous condamnons le vote favorable du Parlement européen. Dans les négociations commerciales en cours et à venir, nous ne transigerons pas sur les normes écologiques européennes : la lutte contre le dérèglement climatique, c’est partout et tout le temps ! Nous déplorons qu’une majorité conservatrice ait soutenu la Commission dans son manque de courage politique, alors que les conséquences sur le climat seront catastrophiques si l’Union européenne ne prend pas les mesures nécessaires pour réduire les émissions polluantes des transports » soulignent Guillaume Balas et Gilles Pargneaux, membres de la commission de l’environnement, et Christine Revault d’Allonnes- Bonnefoy, membre de la commission des transports.

Mieux légiférer ne veut pas dire moins légiférer

Communiqué de presse de la délégation socialiste française

Les eurodéputé-e-s socialistes français ont pris connaissance du programme de travail de la Commission Juncker pour l’année 2015 tel qu’adopté hier par le collège.

Permettra-t-il la réorientation de l’Union que nous souhaitons ? Plusieurs points de notre projet figurent dans le programme de travail de la Commission pour l’année prochaine, notamment le Fonds européen pour les investissements stratégiques, ainsi que la lutte contre la fraude et la concurrence fiscales -sous l’aiguillon, peut-être de l’actualité…. L’initiative pour l’emploi des jeunes, la création d’une Europe de l’énergie, la révision du marché des quotas d’émissions et la directive qualité de l’air restent sur la table, ce dont nous nous félicitons.

Pourtant certaines de nos propositions font lourdement défaut, en particulier celles qui portent sur les aspects sociaux : la Commission Juncker s’est engagée à faire des enjeux sociaux une question transversale de ce programme. Il est grand temps que les droits sociaux ne soient plus subordonnés aux libertés économiques. L’Union doit se doter d’un Pacte de progrès social garantissant des emplois décents, le droit du travail, des salaires élevés, la protection sociale et le dialogue social. Par ailleurs, nous le répéterons jusqu’à ce que nous soyons entendus : le Plan d’investissements ne sera rien sans le développement de flexibilités et d’une gouvernance économique européenne renouvelée.

Mieux légiférer, c’est également améliorer la législation existante. Par exemple, les fonds de cohésion : trop de règles rendent leur utilisation difficile par les acteurs de terrain.

Cependant, mieux légiférer ne veut pas dire moins légiférer, parce qu’un sujet fâcherait certains Etats membres ou certains industriels… Quelques menaces de suppressions de propositions sont de très mauvaises nouvelles : les textes visant à mieux protéger les femmes enceintes au travail, ou les travailleuses jeunes mères, sont nécessaires. Dans un autre registre, les risques qui pèsent sur les ambitions pour l’économie circulaire, la révision de la règlementation sur l’agriculture biologique et de celle concernant les programmes de consommation de fruits et légumes et de lait dans les écoles ne sont pas non plus admissibles.

Mieux légiférer, c’est savoir simplifier, c’est défendre farouchement ce que l’Union a déjà acté au nom de la protection de ses citoyens, sans jamais se priver de nouvelles avancées.

Contre le dumping social dans le transport routier


Christine Revault D’Allonnes Bonnefoy (S&D). – Monsieur le Président, Madame la Commissaire, chers collègues, le dumping social et son corollaire, la concurrence déloyale, constituent des problèmes de société majeurs en Europe, qui n’ont fait que s’aggraver avec la crise.

Le marché unique ne pourra pas fonctionner tant que les inégalités se creuseront entre les travailleurs de différents pays de l’Union. Le secteur des transports est loin d’être épargné et, alors que la Commission aurait pu proposer un acte délégué allant dans le sens du progrès social, elle a manqué l’occasion de sanctionner, comme il se doit, la violation des normes sociales dans le domaine des transports routiers.

Une entreprise qui est prise aujourd’hui la main dans le sac à pratiquer le cabotage illégal serait, demain, selon la législation proposée la Commission, toujours autorisée à transporter des marchandises dans l’Union européenne. S’il est indispensable que l’honorabilité des transporteurs routiers dépende de leur respect des règles de sécurité routières, le respect des règles sociales est tout aussi nécessaire.

Le Parlement, seule institution européenne élue au suffrage universel direct, peut, depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, empêcher la mise en œuvre d’un acte délégué de la Commission européenne s’il n’est pas conforme à son contenu. Il convient que les députés au Parlement européen se saisissent de cette avancée démocratique essentielle, afin de refuser absolument cette législation inique qui va à l’encontre de l’intérêt général de nos concitoyens.

Le groupe des socialistes et démocrates ne transigera pas avec les infractions graves aux règles de l’Union européenne. C’est pourquoi nous appelons l’ensemble des députés européens à voter contre la liste présentée par la Commission européenne, qui devra revenir devant notre assemblée avec une liste complète dans les plus brefs délais.