Mesures de lutte contre le terrorisme

Hier en session à Bruxelles était organisé un débat sur les mesures européennes de lutte contre le terrorisme. N’ayant pu disposer d’un temps de parole, voici la déclaration écrite que j’ai déposée qui reprend de manière synthétique ce que j’aurais souhaité dire.

Les attentats en France ont entraîné un véritable sursaut citoyen en Europe pour la défense de nos valeurs communes. Face aux activités terroristes qui frappent notre continent, notre réponse ne peut être qu’européenne, transversale et intégrée, pour assurer le droit à la sécurité des personnes dans le plein respect des libertés fondamentales.

La lutte contre la radicalisation, aux causes multiples et complexes, passera par plus d’éducation, plus d’inclusion sociale. Nous devons aussi avancer sur d’autres axes déterminants : l’amélioration de l’échange d’informations entre les États-membres, grâce aux possibilités du Système d’information Schengen. L’adoption du PNR européen, qui aidera à améliorer le suivi des candidats européens au djihad, en offrant plus de garanties pour la protection des droits fondamentaux. La bonne application des règles de Schengen, grâce à des contrôles plus efficaces aux frontières extérieures. Le développement d’un message alternatif et de sensibilisation face à la propagande terroriste, tout en ciblant davantage les discours de haine qui circulent sur Internet. Mais aussi l’élaboration d’une réelle politique extérieure commune pour l’Europe.

À tout moment, il nous faudra rester unis et solidaires, en défendant tant nos libertés que notre sécurité, qui prises ensemble contribuent de façon essentielle au bon fonctionnement de notre démocratie.

La lutte contre le terrorisme et la radicalisation en débat au Parlement européen

Une réunion extraordinaire sur la lutte contre le terrorisme et la radicalisation s’est tenue ce matin au sein de la commission LIBE. Matthias Ruete, Directeur général aux Migrations et Affaires intérieures à la Commission européenne, et Gilles de Kerchove, coordinateur de l’UE pour la lutte contre le terrorisme, ont pu échanger avec les eurodéputés sur de nombreuses thématiques. Parmi les autres intervenants, Morten Kjaerum, Directeur de l’Agence des droits fondamentaux de l’UE, et Giovanni Buttarelli, Contrôleur européen à la protection des données, ont tenu des propos très intéressants sur la prise en compte des droits fondamentaux dans les mesures européennes contre le terrorisme et la radicalisation.

La place et le rôle d’Internet, la nécessité d’un contrôle plus efficace aux frontières extérieures ainsi que d’un meilleur partage d’informations entre les États, ou encore le besoin d’adopter une stratégie européenne cohérente en matière d’intégration et d’éducation, ont été largement débattus. J’ai pu intervenir à deux reprises au cours de la discussion, à propos du projet de PNR européen, et de la radicalisation des jeunes sur Internet et les réseaux sociaux.

Questions à Matthias Ruete sur le projet de PNR européen

Le texte de mon intervention : « notre présence nombreuse ce matin démontre notre volonté d’agir de concert pour protéger les citoyens européens face à l’activité terroriste qui frappe notre continent.

Parmi toutes les pistes envisagées, le PNR européen constitue un instrument sans doute utile pour améliorer l’identification et le suivi des candidats européens au djihad. Un PNR européen plutôt que 28 PNR nationaux permettrait de sécuriser davantage le transfert des données PNR et d’offrir plus de garanties pour le respect des droits fondamentaux de chaque individu.

Attention toutefois – et je suis rassurée par vos propos M. le Directeur – à ne pas l’adopter dans la précipitation et sous le coup de l’émotion. Il faut laisser le temps au débat, et comme M.Avramopoulos l’avait lui-même reconnu, la proposition initiale de la Commission devrait être améliorée pour mieux préserver les droits fondamentaux, en particulier la protection des données personnelles et le respect de la vie privée.

Le PNR est aussi étroitement lié au paquet Protection des données. Vous l’avez également dit et je m’en félicite. Les deux dossiers doivent avancer en parallèle, ce qui sera crucial pour offrir plus de clarté juridique à tous les instruments européens liés à une collecte de données personnelles, notamment à des fins de lutte contre le terrorisme.

Frans Timmermans a annoncé que la Commission pourrait présenter une nouvelle proposition sur le PNR si le Parlement et le Conseil ne trouvent pas d’accord. Confirmez-vous cette possibilité ? Et si oui, à quelle échéance? Et surtout, envisagez-vous d’y intégrer la proposition présentée par M.Avramopoulos d’un Agent à la protection des données ? »

 

Questions à Gilles de Kerchove sur la radicalisation des jeunes sur Internet et les réseaux sociaux

 

 

Le texte de mon intervention : « parmi les jeunes combattants européens, nombre d’entre eux auraient été radicalisés sur Internet et les réseaux sociaux. Ces enfants en « rupture » avec la société souffrent d’un manque de perspectives, pour des raisons très diverses. Particulièrement vulnérables, ils n’ont pas tous grandi dans un contexte social et éducatif difficile, et n’auraient pour beaucoup aucun rapport avec la religion.

Au-delà des mesures qui sont prioritaires et indispensables à prendre en matière d’éducation et d’inclusion sociale, et du renforcement nécessaire de la coopération avec les géants de l’Internet, il serait utile de mettre en place au niveau européen un système d’alerte et de renseignement pour identifier ces candidats potentiels au djihad. La plateforme de signalement du Ministère de l’intérieur en France, outil d’assistance aux familles et de prévention de la radicalisation, aurait permis de détecter plusieurs centaines de cas avérés de jeunes radicalisés.

La création d’une telle plateforme européenne de signalement pourrait-elle être envisagée par les États-membres? Et si oui, comment les institutions européennes seraient associées à cette démarche ?

Dispose-t-on par ailleurs de statistiques précises au niveau européen sur ces jeunes combattants européens radicalisés par le biais de la propagande sur Internet et les réseaux sociaux?

Je voulais vous remercier tous pour vos interventions qui ont été très intéressantes. »

La BCE sort l’artillerie lourde pour relancer l’économie

Communiqué de presse de la délégation socialiste française

Bruxelles – jeudi 22 janvier 2015 – http://www.deputes-socialistes.eu/?p=10988

La Banque centrale européenne (BCE) a décidé de lancer un programme de rachat massif de titres comprenant des obligations d’Etat. La délégation socialiste française se félicite de cette annonce.

« 60 milliards d’euros par mois jusqu’en septembre 2016, soit un programme de plus de 1000 milliards d’euros. La somme est colossale, comme les défis auxquels nous devons faire face » explique Pervenche Berès, Présidente de la délégation socialiste française.

Et d’ajouter :

« Si la BCE a pris la décision, en toute indépendance, de débloquer autant de liquidités pour l’économie européenne, c’est pour tenir le mandat qui lui a été confié de ramener l’inflation à un taux proche de 2%. Elle apporte ainsi une pierre au redressement de l’économie européenne.

« Dans un contexte marqué par la baisse significative et continue des prix, le risque de voir un scénario « à la japonaise » s’installer en Europe s’accroissait chaque jour un peu plus.

« Cette décision, inattendue par son ampleur, était une urgence pour tous ceux qui ne se résolvent pas au spectre d’une situation économique qui tourne le dos aux intérêts des Européens ; c’est pourquoi nous nous en félicitons, même s’il ne s’agit pas d’une mutualisation complète.

« Cependant, dans cette « Europe de la dernière chance » et après cette étape remarquable dans l’histoire de la BCE, tout n’a pas encore été fait pour relancer l’économie. Si l’action de la BCE est un impératif et le plan d’investissement un atout, la mobilisation de l’outil budgétaire, y compris à travers une réforme intelligente de la gouvernance économique, doit désormais être la priorité pour soutenir l’investissement et créer de l’emploi. »

PNR européen: où en est-on?

Je partage un article très précis de l’Agence Europe sur les discussions ayant eu lieu ces deux derniers jours à Bruxelles:

Bruxelles, 21/01/2015 (Agence Europe) – Un nouvel agenda de sécurité intérieure pour mai prochain et, s’il le faut, une proposition modifiée sur le projet de PNR européen dans le cas où le PE et le Conseil seraient dans l’incapacité de poursuivre leurs travaux sur la base de la proposition actuelle datant de février 2011. Telles sont les précisions qu’a apportées, mercredi 21 janvier, le Premier vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, à l’issue d’un premier débat d’orientation au collège sur la réponse européenne à donner à la menace terroriste en Europe.

Deux semaines après les attentats parisiens ayant conduit à la mort de 17 personnes, la Commission était particulièrement attendue sur la question du PNR, le fichier des données des passagers aériens européens que les ministres de l’Intérieur souhaitent relancer, mais sur lequel le PE a cessé de travailler depuis un rejet en commission des libertés civiles, en avril 2013. La Commission européenne a précisé qu’elle tenterait de faciliter les discussions entre le Conseil et le PE pour parvenir à une « décision rapide ». Mais si elle devait constater l’échec des discussions d’ici à mai, elle serait alors disposée à amender elle-même son texte de 2011.

Les propos de M. Timmermans ont rapidement été repris par les eurodéputés soucieux de plancher sur une nouvelle proposition PNR, à l’instar de l’ex-commissaire Viviane Reding qui s’est félicitée, dans un tweet, que M. Timmermans soit prêt « à soumettre une nouvelle proposition » sur le PNR.

« Ce n’est pas le cas. On comprend que certains au PE souhaitent mettre un peu de pression en espérant qu’ils obtiendront une modification ou un retrait du texte de 2011 », remarque une source, « mais pour le moment la Commission n’a pas l’intention de le retirer ; elle laisse le PE et le Conseil évaluer s’ils peuvent avancer sur la base actuelle et, si ce n’est pas le cas, nous verrons s’il faut que nous présentions une proposition modifiée ». « Le plus rapide serait qu’on avance sur la base du texte actuel, que le PE peut bien sûr amender. Une proposition modifiée prend forcément plus longtemps », observe une autre source. Le 3 décembre, le commissaire européen compétent, Dimitris Avramopoulos, avait lui-même appelé le PE à enrichir la proposition de 2011 et suggéré aux eurodéputés une série d’amendements.

Sur la protection des données personnelles, dont la réforme des règles européennes est engagée depuis 2012, M Timmermans a aussi appelé le PE et le Conseil à progresser, mais sans sembler toutefois lier les dossiers, alors que certains au PE, dont le groupe ADLE, ont conditionné leur soutien au PNR européen à une adoption au Conseil de la réforme des règles de 1995.

D’une manière générale, le Premier vice-président de la Commission a rappelé les compétences respectives de la Commission et des États membres et a bien précisé que la sécurité restait une compétence principalement nationale, mais « que dès que la Commission pourra aider, elle le fera ». Jugeant les discussions sur la répartition des prérogatives entre UE et niveau national « sans intérêt », le Premier vice-président a également évoqué le renforcement de l’espace Schengen au niveau des frontières extérieures, comme le demandent les États membres qui souhaitent des contrôles plus systématiques de ressortissants européens aux frontières extérieures. « Mais nous avons bien vu, dans les discussions récentes, que Schengen est une partie de la solution et non une partie du problème », a insisté M. Timmermans, fermant ainsi la porte à toute remise en question de la libre circulation dans l’espace Schengen.

Pour le reste, les compétences de l’UE restant limitées, Frans Timmermans a assuré que la Commission accompagnerait les États membres dans leur réflexion sur l’intégration de toutes les communautés dans les sociétés européennes ainsi que sur les modes de prévention de la radicalisation. L’agenda de sécurité intérieure devrait toutefois porter sur d’autres axes de travail, notamment le trafic et le commerce d’armes à feu illégales ou le renforcement de la coopération entre Europol et les autres agences européennes comme l’INTCEN, l’organisme abrité par le SEAS chargé d’évaluer les menaces.

De son côté, la commission des libertés civiles au PE a décrit, mercredi matin, en présence de la Présidence lettone, comment elle entendait plancher sur la réponse au terrorisme et confirmé, par la voix de son président, Claude Moraes (S&D, britannique), qu’une réunion d’experts aurait bien lieu le 4 février sur le PNR, comme l’a dit le rapporteur, Timothy Kirkhope. Il reviendra ensuite au conservateur de présenter, s’il le peut, un calendrier de reprise des discussions en LIBE.

Sur ce sujet du terrorisme, le ministre français de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, pourrait venir début février rencontrer les coordinateurs de la commission. Le 27 janvier, le commissaire Avramopoulos sera, lui, invité à informer les députés sur la déradicalisation, aux côtés de Gilles de Kerchove, le coordinateur UE pour la lutte contre le terrorisme. Pour Claude Moraes, il est en tout cas de la plus haute importance de ne pas se précipiter à proposer de nouveaux instruments, a dit l’intéressé en début de séance, plaidant en revanche pour une feuille de route sur le contre-terrorisme et la contre-radicalisation dans la perspective du Sommet du 12 février « pour analyser les problèmes et les déficiences à tous les niveaux (européen, national, local…) ». (SP)

Échange de vues avec le directeur de l’agence eu-Lisa

En commission des libertés civiles mardi, nous avons un échange de vues avec le directeur exécutif de l’agence eu-Lisa, qui gère de vastes systèmes d’information dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice en Europe. Elle soutient activement la mise en œuvre des politiques de l’Union européenne liées à l’asile, aux migrations et à la gestion des frontières.

Eu-Lisa est principalement chargée de la gestion opérationnelle du système d’information Schengen de seconde génération (SIS II), le plus important pour la sécurité publique en Europe. Il permet des échanges d’informations entre les différents postes nationaux de contrôle des frontières, les douanes et les autorités de police. L’agence gère également le système d’information sur les visas (VIS) entre les États-membres de l’espace Schengen ainsi qu’Eurodac, la base de données qui regroupe les empreintes digitales des personnes ayant demandé l’asile dans l’Union européenne.

Voici le texte de ma question à Krum Garkov, Directeur exécutif de l’agence :

« Les attentats en France nous rappellent qu’il est indispensable de légiférer au niveau européen pour mieux coordonner les politiques de sécurité intérieure des États-membres, avec davantage de cohérence et d’efficacité.

À cette fin, l’Union européenne doit renforcer la qualité de la coopération entre les États, notamment entre les services de renseignement. Il s’agit autant d’améliorer la collecte et l’échange des données, que de les traiter de manière pertinente, dans le plein respect des libertés fondamentales et de la protection des données.

Le Système d’Information Schengen (SIS II) s’avère être un instrument potentiellement très efficace pour surveiller les itinéraires empruntés par les combattants étrangers. Il n’est pourtant pas utilisé à son maximum; selon la Commission, de nombreux États-membres ne le consulteraient pas assez régulièrement.

Quel rôle peut jouer l’agence eu-Lisa pour permettre d’exploiter au mieux les possibilités offertes par SIS II et ainsi d’assurer une meilleure utilisation du système par les États-membres? Dans ce cadre, quels liens entretient eu-Lisa avec Europol et Eurojust et comment se traduit concrètement la coopération avec ces agences? »

Financements des projets de transport dans le cadre du Plan Junker

Audition du Directeur général de la DG Move.

Merci M. le Directeur Général pour votre intervention. J’aimerais revenir principalement sur la mise en œuvre du « Plan Juncker » et son implication sur le financement des infrastructures de transport en Europe.
La Commissaire européenne aux Transports avait indiqué en décembre dernier que les transports bénéficieraient d’un tiers des financements de ce plan d’investissement, soit environ 100 milliards d’euros.
Mardi dernier, la Commission européenne a présenté le règlement établissant un Fonds Européen pour l’Investissement Stratégique (FEIS) censé traduire le Plan Juncker. Or, ce règlement ne prévoyant pas d’enveloppe sectorielle préalablement définie, j’aurais voulu savoir dans quelle mesure peut-on évaluer, mais surtout comment peut-on s’assurer, que 1/3 des 315 milliards prévus par ce plan soit effectivement alloué aux financements des infrastructures de transport en Europe ?
Deuxièmement, quel est le « statut » du rapport Christophersen qui devrait être approuvé dans les prochains mois par le Conseil : s’agit-il d’un véritable programme de travail ayant vocation à identifier en amont des projets en vue de flécher les financements du FEIS ? Ou s’agit-il d’un autre document de réflexion/recommandation sur la manière dont on peut améliorer les financements européens dans les transports ?

Audition du Directeur de l’Agence ferroviaire européenne

M. le Directeur exécutif, merci de venir vous exprimer au sein de notre commission, j’espère que nous pourrons entretenir un échange constructif et régulier tout au long de la mandature. Avant tout, permettez-moi aussi de vous souhaiter bonne chance pour cette année 2015 qui s’annonce particulièrement chargée pour vos services.
L’ERA est aujourd’hui à un tournant de son histoire. À travers le pilier technique du quatrième paquet ferroviaire, l’Agence a vocation à devenir un véritable garant de la sécurité et de l’interopérabilité de l’espace ferroviaire européen. L’élargissement des compétences de l’Agence en matière de délivrance de certificat de sécurité pour les entreprises ferroviaires et d’autorisation du matériel roulant sont des enjeux cruciaux pour l’avenir du rail européen.
Comme vous le savez, des négociations sont en cours entre le Parlement, le Conseil et la Commission et plusieurs points doivent encore être abordés et éclaircis. Dans ce cadre, je souhaiterais vous faire part de quelques questions sur les enjeux de cette réforme.
Quel est votre point de vue sur le transfert de compétences des Autorités Nationales vers l’ERA ? C’est un sujet complexe qui recoupe plusieurs problématiques, la question de la durée de la transition, la question de la responsabilité de l’Agence, la question des moyens de l’Agence pour assurer au niveau opérationnel ses nouvelles compétences… Quelle serait selon vous la marche à suivre pour que ce transfert se fasse le plus efficacement possible, tout en maintenant un très haut niveau de sécurité ?
Dans cette perspective, comment envisagez-vous la coordination avec les Autorités Nationales de Sécurité pour garantir au mieux la sécurité de l’espace ferroviaire européen ? Et d’autre part, comment analysez-vous les conséquences légales, des différents scénarios de transferts de compétences, notamment des différents impacts possibles sur la responsabilité de l’Agence ? Autrement dit, dans quelle mesure l’Agence devra-t-elle assumer la pleine responsabilité des certifications et des autorisations qu’elle délivre ou alors dans quel cadre devra-t-elle partager cette responsabilité avec les Autorités Nationales de Sécurité et les États membres ?

Migrants: quid des accords de travail entre Frontex et les pays tiers

Voici mon courrier adressé à Emily O’Reilly, Médiatrice européenne sur les « accords de travail » passés entre l’agence Frontex et les pays tiers.

« Madame la Médiatrice européenne, chère Mme O’Reilly,

Comme vous le savez, plusieurs acteurs institutionnels et de la société civile ont signalé des cas de violations des droits fondamentaux des migrants lors d’opérations menées par l’agence Frontex. De nombreuses ONG, le Conseil de l’Europe, l’Agence des droits fondamentaux de l’UE et le Rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme des migrants ont exprimé, comme vous, leurs inquiétudes à cet égard.

La politique de l’Union européenne en matière d’asile et d’immigration ne devrait pas échapper au droit de regard de la société civile et du Parlement européen. Toutefois, les « accords de travail » conclus entre Frontex et les pays tiers ne sont soumis à aucun contrôle démocratique.

Parce qu’ils sont « techniques », le Parlement n’a pas à approuver ces accords, et ne dispose même pas d’informations à leur sujet. Ils permettraient à Frontex, en coopération avec les autorités policières des pays concernés, de mettre en place des opérations de retour et de surveillance dans des eaux territoriales non-européennes. Il est légitime de douter que ces accords respectent les droits fondamentaux des migrants, en particulier le droit de quitter son pays et le droit de demander l’asile.

Serait-il envisageable que vous interpelliez la Commission européenne pour demander des clarifications sur ces « accords de travail »? Le Parlement européen devrait pouvoir être informé de leur contenu et exercer un contrôle démocratique sur ces accords. La Commission devrait également s’assurer de leur conformité avec la législation européenne et la Charte des droits fondamentaux.

Je vous remercie d’avance pour votre aide et pour toute l’attention que vous voudrez bien porter à cette lettre. »

Et la version originale:

« Dear Mrs O’Reilly,

As you are aware, various stakeholders pointed out that some operations carried out by Frontex have resulted in violations of migrants’ fundamental rights. Many NGOs, the Council of Europe, the Fundamental Rights Agency and the UN Special Rapporteur on the Human Rights of Migrants have expressed, like you, their concerns on this matter.

EU migration and asylum policy should not be immune from the scrutiny of civil society and the European Parliament. Nevertheless, the so-called « working agreements » concluded between Frontex and third countries are not subject to any kind of democratic control.

As they are « technical », the Parliament is not requested to approve them and is not even informed about them. These agreements would enable Frontex, in cooperation with local police authorities, to carry out return and surveillance operations in non-European waters. It is fair to express doubt as to whether these agreements protect migrants’ fundamental rights, in particular the rights to leave one’s country and to apply for asylum.

Would it be possible for you to address the European Commission so as to ask for further clarification on this specific point? The European Parliament should be informed about these « working agreements » and be able to exercise democratic control over them. The Commission should also ensure that they are in line with EU law and the Charter of fundamental rights.

I would like to thank you in advance for your help and your consideration on this most important issue. »

L’Europe et le fichier

Article paru dans Sud Ouest le 20 janvier

Toujours devant le Parlement européen, le projet de fichier des passagers pourrait être accéléré.

L’une des réponses préconisées pour répondre au terrorisme djihadiste consisterait à mettre en œuvre, à l’échelle européenne, un fichier des passagers aériens. Dénommée PNR (passenger name record), une telle base de données comprendrait des informations sur les voyageurs telles que leurs nom et adresse, moyens de paiement des billets, itinéraires complets, nature et poids des bagages, etc. Élaboré par la Commission de Bruxelles, le projet a été transmis au Parlement européen il y a quatre ans, mais n’a toujours pas été voté. Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius a souhaité hier que le dossier puisse enfin être débloqué. Députée européenne (PS), Christine Revault d’Allonnes-Bonnefoy fait le point.
« Sud Ouest ». Quelles sont les raisons du blocage ? Christine Revault d’Allonnes-Bonnefoy. La directive sur le PNR européen a enclenché les discussions dès 2011, avant même que le législateur français ne lance un PNR national (NDLR : par la loi de programmation militaire en décembre 2013). Mais en 2013, le Parlement européen a renvoyé le projet devant sa commission des libertés civiles pour l’examiner de manière plus détaillée. Il y a toujours à ce sujet un débat sur des impératifs qui peuvent paraître contradictoires : assurer la sécurité des citoyens européens d’un côté, et garantir le respect des libertés fondamentales et la protection des données personnelles de l’autre. Les députés allemands et hollandais, par exemple, y sont particulièrement sensibles.

Est-ce à dire que le projet ne verra jamais le jour ? Non, pas du tout. Le groupe des socialistes et démocrates (NDLR : où siègent les députés PS français) n’a jamais interrompu le processus. Il faut que la discussion reprenne de façon sereine et apaisée, d’autant plus que la Commission a donné des gages par rapport à son projet initial. Donald Tusk, le président du Conseil européen, a évoqué un raccourcissement de la durée de conservation des données dans le PNR européen. Elle était de cinq ans à l’origine, ce qui heurtait bon nombre de députés.

Les socialistes et démocrates pourraient-ils voter pour le PNR européen ? On n’est absolument pas contre le principe. Il faut seulement sortir d’une incertitude juridique relative à la protection des données. À partir du moment où les États membres auront levé cette incertitude, il n’y aura pas de raison de s’opposer au PNR européen. Bien encadré, celui-ci sera d’ailleurs plus protecteur des libertés que 28 PNR nationaux mis en œuvre sur des critères différents !

Quel peut être le calendrier à partir de maintenant ? On n’a pas encore de renseignements sur l’ordre du jour. Si le projet ne vient pas en séance en février, ce sera probablement en mars. Dans tous les cas, le calendrier de discussions va s’accélérer. Il pourra ainsi coïncider avec l’aboutissement, en juin normalement, du volet sur la protection des données personnelles. Il faut comprendre que l’adoption d’un tel texte ne peut pas non plus être pour la semaine prochaine. C’est un texte qui est soumis au « trilogue », c’est-à-dire à la nécessité d’un accord du Parlement, de la Commission et du Conseil européen (NDLR : les chefs d’État ou leurs ministres compétents). Heureusement qu’on prend le temps de la réflexion sur un sujet aussi important en matière de sécurité et de libertés publiques ! La précipitation dans l’émotion des attentats serait mauvaise conseillère.

La France a mis en œuvre son propre PNR avec la publication de deux décrets, en septembre et en décembre derniers. L’Europe n’a-t-elle pas déjà un train de retard ? Nous avançons. Et ne limitons pas la lutte contre le terrorisme à l’adoption d’un fichier des passagers aériens. Les dérives constatées sur Internet peuvent aussi être combattues à l’échelle européenne. C’est un sujet que nous avons déjà abordé.

Recueilli par Jean-Denis Renard

Politique étrangère et politique intérieure de l’Union : des frontières de plus en plus floues

Cette semaine en session plénière, la Haute Représentante Federica Mogherini a échangé avec les eurodéputés sur les différents aspects de la politique étrangère européenne. Affirmant avec conviction que la politique de sécurité et de défense est indissociable de notre politique intérieure, elle a appelé à une approche coordonnée entre les institutions européennes et les États-membres pour relever ensemble tous les défis internes et externes à l’UE.

Au cours de ce débat, la lutte contre le terrorisme est revenue sur toutes les lèvres. La Haute-Représentante et les députés européens livrent le même constat : la réponse de l’Europe face à cette menace ne peut être qu’intégrée et globale. Pour enrayer le danger terroriste, il faut à la fois mettre en place des mesures renforçant la sécurité des citoyens européens sur notre continent, tout en en agissant de façon plus proactive en dehors de nos frontières.

L’unité et la solidarité qui nous rassemblent aujourd’hui doivent se traduire demain par un échange d’informations accru entre les États-membres et avec leurs partenaires, ainsi qu’une augmentation de la présence de l’UE dans le monde pour aider à la résolution des conflits, en particulier dans son voisinage. Il en va de l’intérêt des États-membres de coopérer main dans la main, sans se faire concurrence. Une politique de sécurité et de défense commune, tant du point de vue de l’appui militaire, l’aide humanitaire, que de l’aide au développement, sera un atout clé pour lutter plus efficacement contre le terrorisme.

L’accélération des conflits a également une incidence certaine sur d’autres aspects de notre politique intérieure, comme l’augmentation constante du nombre de réfugiés qui tentent de rejoindre l’Europe. Une Europe forte et unie à l’étranger, qui assume une plus grande responsabilité à l’extérieur de ses frontières, participera de façon essentielle à une stratégie européenne cohérente en matière de migrations.

Comme l’a justement déclaré la Haute Représentante, l’Union européenne « doit rendre compte de sa puissance », « une grande puissance de la paix et des droits de l’homme ». Cela passe par la défense du vivre-ensemble et des valeurs fondamentales européennes, tant sur notre territoire qu’en dehors de nos frontières.