L’accueil des réfugiés est très présent dans nos débats de cette session de Strasbourg. Après ceux portant sur les mesures de relocalisation des premiers réfugiés arrivés en Italie et en Grèce (article à suivre), voici les principaux éléments du discours du Président de la Commission. Les Députés européens ont également travaillé sur une nouvelle résolution commune pour accompagner et amplifier les propositions de la Commission. Celle-ci sera soumise au vote jeudi.
Lors de son premier discours très attendu sur l’État de l’Union, ce mercredi 9 septembre, Jean-Claude Juncker a plaidé pour une Europe unie, humaine et digne face au défi immense posé par les migrations et l’asile. Il a tenu des propos forts et courageux, exhortant les institutions européennes et tous les États membres à agir vite, et ensemble.
Il a commencé par ces mots très justes : « dans cette Union européenne aujourd’hui, nous manquons d’Europe et nous manquons d’Union. C’est ce que nous devons nous efforcer de changer. » Alors que la grande majorité des personnes arrivées sur notre continent fuient la guerre en Syrie, la terreur de l’État islamique en Libye ou la dictature en Érythrée, alors que nous vivons un moment décisif pour l’avenir de l’Union européenne, le temps n’est pas venu d’avoir peur, le temps est venu « de faire preuve d’humanité et de dignité humaine ».
Le président de la Commission européenne a eu raison de rappeler que l’histoire du continent européen est marquée par les migrations et le souvenir de millions d’Européens eux-mêmes réfugiés. Nous ne pouvons oublier que le droit d’asile est un des droits fondamentaux les plus importants, un des droits fondateurs de notre ADN européen.
En dépit de nos fragilités et des faiblesses que nous pensons avoir, en dépit des différences entre les États membres, notre Europe représente un lieu d’espoir, un havre de paix et de stabilité pour toutes ces personnes qui fuient la guerre et les persécutions. Nous avons les moyens de les accueillir. A l’heure actuelle, les demandeurs d’asile arrivés sur notre continent représentent 0.11% de l’ensemble de la population européenne. Face à certains pays comme le Liban, la Turquie ou la Jordanie, qui accueillent à eux-seuls des millions de réfugiés, c’est une proportion dérisoire.
N’oublions pas également que nous parlons ici d’êtres humains. Ce qui leur arrive aujourd’hui peut nous toucher demain. Face à ceux qui souhaiteraient privilégier certains demandeurs d’asile par rapport à d’autres, le Président de la Commission répond à propos : « il n’y a pas de philosophie, de morale, de religion quand il s’agit de protéger des êtres humains ».
Il est grand temps d’agir ensemble, il n’y a pas d’alternative possible. Il ne s’agit pas de pointer du doigt « Bruxelles » car elle n’aurait soi-disant rien fait.
L’Union européenne s’est dotée de normes communes sur les modalités d’accueil des demandeurs d’asile en son sein. La Commission a lancé une première série de 32 procédures d’infraction à l’encontre des États membres qui n’appliquent pas correctement ces règles.
La Commission a proposé en mai un Agenda européen sur les migrations. Depuis, notre présence a été triplée en mer et 122 000 vies ont pu être sauvées. L’Union européenne reste le premier bailleur de fonds dans les efforts internationaux pour faire face à la situation dramatique en Syrie, avec 4 milliards d’euros mobilisés.
Jean-Claude Juncker le reconnaît : « ces premières mesures montrent la solidarité européenne en action, mais il faut faire davantage ». La Commission avait proposé un premier mécanisme de relocalisation d’urgence pour 40.000 demandeurs d’asile depuis l’Italie et la Grèce. Elle présente aujourd’hui une nouvelle proposition pour un second mécanisme d’urgence, obligatoire cette fois-ci, concernant 120.000 demandeurs, depuis les deux mêmes pays ainsi que la Hongrie. La France, comme l’a annoncé le Président de la République lundi, prendra sa part en accueillant 24.000 personnes. La balle est maintenant dans le camp des États membres, qui sont attendus au tournant pour adopter cette proposition lundi prochain lors du Conseil des ministres des Affaires intérieures. Le Président Juncker l’a confirmé : au-delà de ce nouvel instrument d’urgence, la Commission proposera un mécanisme permanent et obligatoire de relocalisation « pour assurer la solidarité et l’union sur la question des réfugiés ». L’ensemble des États membres doivent s’engager sur cette voie et prendre leur part de responsabilité.
En outre, la Commission adoptera une liste commune de pays d’origine dits « sûrs », qui permettra aux États membres d’accélérer les procédures d’asile pour les personnes provenant de tels pays. Toutefois, Jean-Claude Juncker a bien précisé qu’il ne s’agit que « d’une simplification de procédure », qui « ne touche en rien au droit fondamental d’asile ». Car « l’asile est un droit et continue à le rester ».
Il a également appelé les États membres à réexaminer leurs politiques d’intégration et d’inclusion en faveurs des demandeurs d’asile et des réfugiés. La Commission les incite à mobiliser de nouveaux fonds pour développer davantage ces politiques. Les demandeurs d’asile doivent pouvoir travailler et s’intégrer dans les pays qui les accueillent, car « le travail est une question de dignité ».
Une politique européenne commune en matière de migrations et d’asile nécessite des efforts conjoints au niveau des frontières extérieures. La Commission propose de faire de Frontex un système de garde-côtes européen, et présentera prochainement une initiative en ce sens.
Une politique européenne commune en matière de migrations et d’asile implique d’ouvrir des canaux sûrs et légaux d’accès à l’Union. Cela fait longtemps que nous le répétons ici au Parlement : c’est la meilleure façon de lutter contre les passeurs, ces marchands de la mort qui ne cherchent qu’à faire du profit sur le désespoir des autres.
Une politique européenne commune en matière de migrations et d’asile suppose de développer la migration légale, afin que la « migration cesse d’être un problème pour devenir une ressource bien gérée ». En ce sens, la Commission présentera un paquet « migrations légales » dans le courant de l’année 2016.
Enfin, une solution durable ne sera possible que si nous nous attelons aux causes des migrations. Comme l’a affirmé Jean-Claude Juncker, « il nous faut une Europe plus forte en matière de politique étrangère », mais aussi de politique d’aide au développement.
C’est un Président de la Commission déterminé qui s’est présenté devant les députés européens ce matin pour nous appeler à prendre au sérieux nos valeurs et notre histoire commune. « Refouler des migrants, mettre le feu à des camps de réfugiés, tourner le regard, ce n’est pas l’Europe », a t-il dit. « L’Europe, c’est le boulanger de l’île de Kos qui distribue du pain. L’Europe, ce sont les personnes qui applaudissent les réfugiés sur le quai de la gare à Munich. »
Le moment est grave, et l’opportunité d’agir à saisir de toute urgence. Si le repli sur soi, la peur et la haine l’emportent, c’est notre Union européenne elle-même qui risque d’imploser.