A l’invitation du bureau d’information du Parlement européen en France, je me suis rendue jeudi 28 janvier au vernissage de l’exposition « une mémoire contre l’oubli ». Cette exposition initiée par l’association française Buchenwald, Dora et Kommandos portait sur une sélection de portraits clandestins dessinés par le prisonnier politique Georges Despaux lors de son temps passé au camp de concentration nazi de Buchenwald.
Cette exposition, qui honore les victimes des camps de concentration réunissait Monsieur Jacques Moalic, ancien déporté de Buchenwald, Olivier Lalieu, président de l’association Buchenwald, Rik Vanmolkot, initiateur de l’exposition, Nicole Fontaine, ancienne présidente du Parlement européen, mes collègues députés européens Robert Rochefort et Constance Le Grip ainsi que de nombreuses personnalités européennes.
Le message porté par cette exposition reste et demeure de ne jamais oublier ce qui s’est passé dans les camps de concentration, les victimes de la Shoah et toutes celles de la barbarie nazie.
Cette exposition porte également une ambition profondément européenne. Une Europe déchirée 1945 qui a su se reconstruire après la guerre pour faire la paix mais qui reste menacée aujourd’hui encore par le repli sur soi. Cette exposition est d’ailleurs européenne puisqu’elle sera de passage à Berlin en 2016.
Ces dessins sont aussi l’expression artistique du quotidien des camps raconté par un déporté. Il y a dans les traits des dessins un message à la fois réaliste, instantané et puissant. Comme l’a en effet si bien exprimé M. Moalic, on se souvient toujours des dessins, parce-qu’ ils viennent directement de la main de l’homme.
Parce-que nous ne devons ni ne pouvons oublier, cette exposition est nécessaire et importante. Elle permet de redonner vie à ceux qui sont décédés en leur rendant hommage.
Vous trouverez ci-dessous le texte de l’intervention que j’ai prononcé en introduction à cette exposition :
« C’est avec une émotion toute particulière que je suis aujourd’hui présente parmi vous au vernissage de cette exposition de portraits réalisés par Georges Despaux.
Cette exposition est indispensable.
Indispensable car nous ne devons pas oublier et nous ne pouvons pas oublier.
Nous ne pouvons pas oublier ce qui s’est passé dans les camps de concentration et d’extermination. L’extermination de masse, les actes de torture. Ces crimes perpétrés contre l’Humanité.
Nous ne pouvons pas oublier ceux qui étaient dans les camps. Quel que soit leur âge, leur religion, leur origine, leur idéologie, leur condition sociale. Il ne faut pas oublier ceux qui ont souffert et ceux qui souffrent encore aujourd’hui. Il ne faut pas oublier ceux qui ne peuvent plus parler.
Comme le rappelle si bien Jean Ferrat dans Nuit et brouillard :
« Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants
Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent
Ils se croyaient des hommes, n’étaient plus que des nombres
Depuis longtemps leurs dés avaient été jetés
Dès que la main retombe il ne reste qu’une ombre
Ils ne devaient jamais plus revoir un été »
Aucun discours, aucun poème ni aucune photographie ne pourra faire revenir ceux qui ont été tués dans les camps de la mort.
Pourtant, chanter, écrire, dessiner sont autant de moyens donnés à l’Homme pour que ceux qui ont aujourd’hui disparu continuent de vivre, pour que nous n’oublions JAMAIS.
L’art a de puissant qu’il exprime parfois mieux que des mots les sentiments.
La souffrance. L’espoir. La honte.
La vie.
La vie car ce n’est pas de mort dont nous parle cette exposition mais bien de vie.
De la vie de millions d’hommes et de femmes qui n’ont que trop souffert de la haine, de l’antisémitisme, du racisme et de la guerre.
L’holocauste constitue l’horreur de notre histoire européenne. Il faut le dire et le rappeler à chaque instant.
Car l’humanité a malheureusement la mémoire courte et nous avons une fâcheuse tendance oublier vite ce qui est pourtant inoubliable.
C’est tristement d’actualité mais l’Europe est à nouveau frappée par une résurgence des actes, des gestes et des propos antisémites. Ces actes se répandent dans nos écoles, dans nos villes et sur internet. Ce dangereux retour en arrière nous montre que les démons de la seconde guerre mondiale sont toujours parmi nous. Cela nous impose de lutter avec exigence, constance et fermeté contre l’antisémitisme. L’Union européenne n’a d’autre ambition que de réfuter toute discrimination et d’accueillir chacun en son sein.
L’Europe est née de cette belle idée que la vie est plus importante que la mort, que la guerre n’a de répondant que l’horreur. Et que le pardon est le meilleur argument de la paix.
Malgré cela, l’Europe est aujourd’hui fermée. Fermée pour accueillir ceux qui fuient la guerre. Fermée dans sa cohésion et dans sa solidarité.
Fermée et bercée dans ce lancinant chuchotement du repli sur soi. Ce lancinant chuchotement qui résonne dans un nationalisme nouveau. Ce lancinant chuchotement qui porte le nouveau nom de populisme. Plus pernicieux et plus déguisé, mieux adapté à notre époque mais si dangereux.
Ce populisme qui n’est qu’une nouvelle forme du nationalisme et de l’extrêmisme, qui prospère dans la peur et alimente une idéologie réactionnaire opposant les uns aux autres.
Alors, cette exposition est nécessaire. « Les plus jamais ça » sont essentiels. Parce-que rôde dans le cœur de l’Europe, cet astre mort du nationalisme et du racisme.
Car nous ne devons pas oublier ceux qui ont perdu la vie dans ces camps.
Et nous ne devons pas non plus oublier de condamner pour l’éternité par ces dessins, par ces témoignages, par la mémoire ces actes contre l’Humanité.
Nous ne pouvons accepter de voir resurgir le nationalisme, le rejet de l’autre, le racisme, l’antisémitisme.
Nous avons tous une responsabilité face à « la banalisation du mal » pour reprendre les mots d’Hannah Arendt.
C’est ma responsabilité en tant que représentante des citoyens européens de dénoncer et de combattre le populisme et la montée de la haine de l’autre ! C’est aussi la vôtre de vous engager contre ce qui vous indigne. »