La commission d’enquête sur les mesures des émissions dans le secteur de l’automobile (EMIS) s’est réunie mardi 24 mai au Parlement européen de Bruxelles, pour auditionner Richard Smokers, un chercheur de l’Organisation néerlandaise pour la recherche scientifique appliquée (TNO), qui est un centre de recherche néerlandais indépendant d’intérêt public. Monsieur Smokers est spécialiste de la mobilité durable (dont les carburants alternatifs) et des émissions des véhicules. J’ai pu l’interroger pour approfondir des points sur la combinaison des technologies qui permettent de limiter les émissions de NOx. Par ailleurs, je l’ai interrogé sur les questions relatives à la protection du moteur. Un argument derrière lequel s’abritent souvent les constructeurs automobiles pour justifier la désactivation des systèmes antipollution, une pratique désastreuse pour la qualité de l’air.
Voici le texte de mes interventions et les réponses :
« Dans votre réponse à la question numéro 8, vous dites que des systèmes anti CO2 et anti NOx complémentaires peuvent être développés, sans causer de faille au fonctionnement du moteur. Vous indiquez par ailleurs, cela dès la question 1, et on l’a entendu à plusieurs reprises dans les auditions précédentes, que la présence de deux ou trois systèmes antipollution de NOx permet de respecter les normes d’émissions. Est-ce que selon vous il devrait être obligatoire désormais sur les véhicules légers, d’installer deux systèmes anti NOx, et pas un seul, pour également permettre de respecter le bon fonctionnement du moteur ? »
Réponse de Richard Smokers : « C’est une bonne question mais la réponse est non. Si l’on veut que le droit soit neutre sur le plan technologique, on fixe des objectifs de performance, sans nécessairement prescrire de technologie. La performance des systèmes vient en partie de la technologie déployée et de la conception de moteur, mais il y a aussi les logiciels qui contrôlent ces technologies. C’est une partie du problème. Donc même en disant quels systèmes doivent équiper les véhicules, encore faut-il s’assurer que ces systèmes vont fonctionner de manière correcte. Ce qui intéresse le législateur, c’est la performance, plus que les technologies. »
« Toujours dans la réponse à la question 1, vous parlez d’un dépôt de laque susceptible de boucher le système de refroidissement, mis en avant par les constructeurs pour justifier la désactivation des dispositifs antipollution, mais vous dites ne pas avoir pu le vérifier. Est-ce que ça veut dire que vous avez essayé de reproduire cette expérience mais sans succès ? Et, de manière générale, que signifie selon vous l’argument de la protection du moteur, et comment les dispositifs antipollution risquent-ils concrètement d’endommager le moteur ? »
Réponse de Richard Smokers : « Il y a une contamination par les gaz d’échappement lorsque l’air à l’admission est trop froid, mais ce n’est pas sans doute pas insurmontable, car l’air à l’admission peut être réchauffé, étant donné toute la chaleur que dégage ou qu’émet le moteur, même si nous n’avons pas travaillé sur des systèmes concrets, il faudrait le tester mais on pourrait en principe acheminer l’air pour le réchauffer, c’est une piste. Mais en pratique, les fabricants préfèrent désactiver l’EGR. »
Nous avons également auditionné deux représentants de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) : Paul McAleavey, chef du programme Air et changement climatique et Martin Adams, chef du groupe « pollution atmosphérique, transport et bruit ». C’est une agence de l’Union européenne. Son rôle est de fournir des informations qui permettent l’élaboration des législations, en particulier en matière de qualité de l’air et de réchauffement climatique. J’ai interrogé les membres de l’AEE à la fois sur les estimations des conséquences en matière de santé publique en lien avec les dépassements d’émissions. Il était aussi question d’évaluer le rôle de l’Agence, et de voir comment renforcer ce rôle pour éviter que le #dieselgate ne se reproduise à l’avenir. Aujourd’hui l’AEE se borne à un travail de publication d’informations et de travaux de recherche, mais elle ne contrôle pas elle-même la bonne application des règles environnementales et il serait intéressant de réfléchir à un renforcement de ses prérogatives. Je vous invite à lire les questions que j’ai posées et leurs réponses.
Voici le texte de mes interventions et les réponses :
« Vous indiquez que vous avez des informations depuis 2004, vous êtes venus devant la commission des Transports du parlement européen en 2011, et malgré tout il a fallu que la Ministre de l’Environnement danoise fasse un courrier officiel à la Commission européenne en 2013 pour que les choses s’accélèrent. J’ai bien lu votre réponse à la question1, qui explique votre mandat extrêmement strict, qui n’est que de l’information et qui ne peut pas aller au-delà, et dans la réponse que vous faites à la question 4 qui concerne l’agence fédérale américaine, on voit bien la différence, puisque précisément cette agence américaine a beaucoup plus de personnel et a la capacité de faire un contrôle des dispositions normatives, voire de faire des propositions. Je sais que ça n’est pas votre mandat aujourd’hui, mais comme l’a dit précédemment mon collègue, les députés de la commission EMIS doivent aussi faire des préconisations pour avancer, que suggéreriez-vous que l’agence européenne pour l’environnement puisse avoir comme mandat à l’avenir, pour être plus effective et, au-delà de la communication, pour qu’elle puisse être plus efficace en matière d’application des normes et fasse des propositions en matière de réduction des polluants ?»
Réponse de l’AEE : « Il est clair que le mandat de l’AEE ne concerne pas le contrôle du respect des règles, si on veut changer le mandat de l’agence, c’est possible, mais c’est une décision qui doit être prise par les institutions européennes. Si celles-ci estimaient que l’agence devait jouer un rôle de contrôle, ce serait une modification fondamentale du rôle de l’agence. Ce serait une première, cela chamboulerait nos procédures, cela changerait totalement la nature de notre travail, je ne sais pas si le Conseil est preneur d’une telle évolution. Je pense que pour l’instant ce n’est pas à l’ordre du jour. Mais si vous m’interrogez pour connaître mon avis personnel, toute modification du mandat doit s’accompagner d’une volonté politique et doit s’accompagner des ressources nécessaires, sinon ce sont de belles paroles qui resteront lettre morte. Nous avons mis 20 ans à bâtir une agence crédible, il ne faut pas hypothéquer sa crédibilité pour lui confier des choses qu’elle n’aurait pas les moyens de faire. »
« L’agence parle d’ammoniac (NH3) et de peroxyde d’azote (N2H), est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur les conséquences de ces gaz sur le climat et la santé ? Est-ce que les technologies antipollution permettent de les limiter, ou bien au contraire leur part va-t-elle croître dans les années qui viennent ? Faut-il légiférer aussi sur ces émissions de gaz ? Toujours à propos de la qualité de l’air, vous avez mentionné tout à l’heure l’effet mortel du dioxyde d’azote, mais vous n’avez pas parlé des NOx. J’aimerais savoir le nombre de morts, de maladies respiratoires, et le coût pour les systèmes de santé en Europe liés au NOx ? Si la norme Euro 4, la première limite d’émissions de particules fines, avait été respectée dès son entrée en vigueur, combien de morts auraient pu être évitées ? »
Réponse de l’AEE : « A propos d’Euro 4 et de son impact potentiel sur les particules fines, malheureusement nous ne disposons pas de chiffres sur les morts évitables. L’ammoniac et le N2H sont des produits dérivés issus de la technologie EGR (recirculation des gaz d’échappement). Il y a une petite préoccupation à leur sujet, il y a des taux élevés d’ammoniac dans certains pays, le problème c’est qu’il a des incidences sur l’environnement et sur le système respiratoire. C’est la raison pour laquelle il y a lieu de se concentrer sur ces produits dérivés. Nous devons également prendre conscience qu’il y a encore des risques imprévisibles. »