La Commission européenne a proposé en mars dernier que l’Union européenne adhère à la Convention d’Istanbul.
Cette convention contraignante du Conseil de l’Europe a pour but de prévenir et de lutter plus efficacement contre les violences exercées à l’égard des femmes et la violence domestique. Ratifiée par 14 Etats membres, elle établit un cadre holistique de lutte contre les violences sexistes, prenant en compte les sanctions pénales et la nécessité de mise en place de politiques intégrées. Par ailleurs, elle instaure des obligations pour les signataires en matière de prévention, d’information, de protection et d’aide aux victimes. Des mesures spécifiques sont aussi prévues pour protéger les femmes victimes de violences domestiques et en situation de grande vulnérabilité, comme les migrantes et les demandeuses d’asile. Afin d’assurer l’effectivité de la Convention, un mécanisme de suivi et de mise en œuvre a été créé : le Groupe d’Experts sur la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO). Enfin, la Convention dispose d’un mandat pour une meilleure collecte des données sur les femmes victimes de violences, ce qui permet de lutter plus efficacement à l’échelle européenne contre ces violences.
L’adhésion de l’UE à la Convention d’Istanbul devrait permettre une transposition cohérente de ce texte dans tous les Etats de l’Union européenne, ce qui renforcera la lutte contre des violences que subissent les femmes.
Désignée co-rapporteure pour le rapport intérimaire qui aura pour objet de donner les orientations du Parlement européen pour les négociations qui seront initiées par la Commission pour que l’UE adhère à la Convention d’Istanbul, je suis intervenue pour rappeler mes engagements dans la lutte contre les violences sexistes et la nécessité pour l’UE d’adhérer sans réserve à cette convention.
« Les femmes et les filles, quels que soient leur âge et leur origine, sont les premières victimes de la violence sexiste. Cette violence structurelle constitue une violation grave des droits humains. C’est une forme brutale de discrimination qui est à la fois la cause et la conséquence des inégalités entre les femmes et les hommes. Toute l’Europe est touchée par ce phénomène préoccupant et inacceptable.
Mais l’action de l’UE en la matière se heurte à l’absence d’harmonisation des politiques menées dans les États membres.
Alors pourquoi l’UE doit adhérer à la Convention d’Istanbul ?
Aujourd’hui, cela a été dit et redit, il n’y a que 14 États membres de l’UE qui ont ratifié la Convention d’Istanbul. Il est crucial que cela devienne le cas de tous les États membres de l’UE. L’adhésion de l’UE à la Convention permettra aussi une mise en œuvre plus cohérente de ce traité au niveau européen. C’est un pas en avant pour davantage d’uniformisation des mesures de lutte contre la violence sexiste en Europe.
En tant que co-rapporteure du rapport intérimaire du Parlement européen, je défends bien évidemment l’adhésion de l’UE à la Convention d’Istanbul. À travers notre rapport, nous présenterons à la Commission une série de recommandations concrètes dont elle devra se saisir. Il est important que le Parlement européen puisse exprimer une position forte avant que les négociations ne commencent.
Dans le cadre du rapport, il nous faudra déjà définir clairement les articles de la Convention qui portent sur les compétences de l’UE et celles qui concernent les Etats membres. L’UE devrait adhérer à la Convention sans aucune réserve contrairement à certains membres de l’UE.
Le terme « violence à l’égard des femmes » doit être compris comme une violence fondée sur le genre. Il est donc très important de souligner que la Convention s’applique aux LGBTI et en particulier aux personnes transgenres.
S’agissant de la prévention, nous devons insister sur la sensibilisation à la violence faite aux femmes et à la lutte contre les préjugés et stéréotypes sexistes. Dans ce domaine, l’Union peut encourager et appuyer l’action des États membres.
Au sujet de la lutte contre les discriminations, il faudra aborder les causes de discriminations supplémentaires envers les femmes. Notamment leur orientation sexuelle ou identité de genre, leur âge, leur handicap, leur origine, ou encore leur statut de migrante, réfugiée ou demandeuse d’asile.
Plus globalement, en adhérant à la Convention, l’UE devra adopter des politiques intégrées pour lutter contre les violences faites aux femmes. Ces politiques sont appelées à être mises en œuvre par une multitude d’acteurs amenés à coopérer, aux niveaux national, régional et local. Dans ce cadre, l’action des ONG doit être soutenue. L’UE peut ici jouer un rôle de coordination essentiel, notamment au niveau de la formation de tous ces acteurs.
Concernant la protection des victimes, il existe une directive européenne spécifique. Les femmes victimes de violences, mais aussi les enfants, ont besoin de mesures et d’un soutien adaptés. Il en est de même pour les témoins.
La reconnaissance mutuelle des mesures de protection des femmes victimes de violences est également indispensable pour assurer la même protection aux femmes qui se déplacent dans l’UE. Là encore, c’est l’UE qui est compétente, notamment avec la directive sur la décision de protection européenne.
La protection des femmes réfugiées et demandeuses d’asile relève aussi d’une compétence de l’UE. Grâce au rapport de Mary Honeyball sur la situation des femmes réfugiées et demandeuses d’asile, le Parlement a pris une position forte sur le sujet, nous devons nous en inspirer dans notre propre rapport.
Sur les aspects institutionnels, le Parlement européen devra participer au processus de suivi de la mise en œuvre de la Convention, comme c’est le cas aujourd’hui avec les parlements nationaux. Ce processus est important car il renforcera l’application des mesures européennes déjà couvertes par la Convention.
Enfin, l’UE devra être pleinement responsable du contrôle de la mise en œuvre de la Convention, et devra être ainsi traitée comme tout autre État partie en ce sens. Plus encore, elle disposera d’un mandat pour une meilleure collecte des données sur les violences envers les femmes à l’échelle européenne.
En conclusion, je ne vois que de bonnes raisons à ce que l’UE adhère à la Convention d’Istanbul. Ce sera forcément un pas positif, mais il faudra aller encore plus loin
L’adhésion de l’UE à la Convention d’Istanbul, c’est un premier pas très positif pour une meilleure protection des femmes et des filles au niveau européen. Selon moi, il faudra toutefois aller plus loin, à travers l’adoption d’une directive sur la lutte contre les violences faites aux femmes. Face aux violences, les femmes et les filles doivent pouvoir être protégées de la même façon quel que soit le pays de l’UE dans lequel elles vivent. »