Ségolène Royal, Ministre l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, s’est rendue au Parlement de Strasbourg le jeudi 24 novembre, pour être entendue par la commission EMIS. Son témoignage était très attendu par notre commission d’enquête, du fait des travaux menés par la France depuis l’annonce du scandale Volkswagen, mais aussi en raison de la place particulière qu’occupe l’industrie automobile dans notre pays. La France fait partie des pays qui ont réagi le plus vite et énergiquement, en particulier avec la mise en place de la commission d’enquête indépendante dite « commission Royal », qui a publié ses travaux en juillet dernier : 86 voitures, de marques différentes, ont été rigoureusement testées dans les laboratoires de l’UTAC-CERAM, la société civile et les parlementaires nationaux ont été étroitement associés, les principaux constructeurs automobiles ont été auditionnés, et la commission indépendante a fait de nombreuses préconisations qui nourriront la réflexion des autorités nationales dans l’amélioration de la législation encadrant l’automobile.
C.RdAB : « Madame la Ministre, merci d’être devant nous ce matin. J’ai été extrêmement attentive à toutes les réponses que vous avez faites au questionnaire. Il m’a été aisé de les reprendre car j’ai la chance de parler et comprendre le français, mais je voulais souligner un certain nombre de points sur lesquels vous donnez des réponses très claires et très franches ; notamment sur le facteur de conformité. Le fait que nous n’ayons pas aujourd’hui ce facteur de conformité à 1 est dommage et je vous remercie d’indiquer que vous souhaitiez qu’il y ait ce facteur de conformité. Sur la question du rôle du CTVM, ce sera peut-être une de nos observations sur le fait que ce sont des personnes techniciennes et pas des responsables politiques qui prennent des décisions. J’avais une question sur votre dernière réponse, sur les tests en conditions réelles effectués par votre mission et pour lesquels vous indiquez que désormais pour qu’un véhicule puisse être homologué, il doit satisfaire et répondre aux conditions des tests en conditions réelles. Alors, comme nous sommes aujourd’hui, selon le terme NEDC, donc pas en conditions réelles mais en conditions de laboratoire, comment légalement vous pouvez retirer ou ne pas donner l’homologation à un véhicule qui ne respecterait pas les normes ? Par ailleurs, vous avez évoqué les procédures qui sont actuellement en cours contre les véhicules Volkswagen et Renault, est-ce que vous pouvez nous en dire plus ? Par ailleurs, comme vous indiquez dans votre réponse, il serait envisagé de retirer l’homologation, qu’attendez-vous pour le faire ? Ou en tous cas quelle sanction pouvez-vous prendre puisque la règlementation 715/2007 indique que ce ne sont pas aux pouvoirs judiciaires mais aux autorités nationales d’appliquer et d’élaborer des sanctions dès lors qu’un constructeur ne respecte pas cette réglementation ? »
Réponse de Ségolène Royal : « Sur le point un, le règlement de mise sur le marché est parfaitement clair. Dans l’article 4 il prévoit que les véhicules doivent être conformes en situation de circulation réelle. La base juridique est donc parfaitement claire. Sur le deuxième point, nous allons demander aux investigations des services de répression des fraudes et à la justice de nous communiquer les éléments qui nous permettrons de voir s’il faut procéder à des retraits de mise sur le marché. Je dois dire que ça n’a pas été facile pour les constructeurs, notamment pour les constructeurs français, qui voyaient tout d’un coup un membre du gouvernement censé protéger leurs constructeurs et montrer du doigt les constructeurs étrangers afin de profiter des scandales comme celui de Volkswagen pour essayer de gagner des points en matière de compétitivité industrielle, de devoir se justifier. Ce n’est pas ce que j’ai fait, j’ai contrôlé toutes les marques, y compris toutes les marques françaises dans les mêmes conditions que les marques étrangères. Personne et aucun autre pays européen n’a fait ça. Maintenant, j’en assume les conséquences et les responsabilités, c’est-à-dire que maintenant il faut que soit je retire des autorisations de mise sur le marché, soit que je demande aux constructeurs ce qu’ils comptent faire pour se mettre aux normes. C’est ce que j’ai fait et ils ont joué le jeu. Aucun constructeur n’a refusé de venir devant la commission, et je dois dire que ce n’est pas facile pour un constructeur, ça ne leur est jamais arrivé. C’est toute une autre culture pour les constructeurs et les industriels de venir devant la commission, des ONG, des parlementaires, des experts, qui leurs ont posé toutes les questions possibles et inimaginables. Et je peux vous dire qu’ils sont pointus en matière de moteurs, ceux qui siègent à la commission. Au bout d’un moment il faut donc prendre les problèmes à bras le corps, soit on tient des discours catastrophistes sur la pollution et la mortalité puis de l’autre côté on fait semblant d’agir ; mais moi ce n’est pas ma façon de faire. J’ai pris mes responsabilités et on ira jusqu’au bout du processus et j’espère que les constructeurs français en tireront aussi les bénéfices parce qu’à un moment il faut que la performance environnementale serve aussi à attirer des consommateurs, qui ont envie de jouer le jeu et ne pas rouler dans des voitures polluantes si on leur donne les moyens de l’information et les moyens financiers pour favoriser le transport propre. »
C.RdAB : « Vous soutenez l’idée d’une agence européenne qui puisse contrôler et sanctionner en lieu et place du système actuellement prévu ; est-ce que vous considérez qu’il serait beaucoup plus opportun d’avoir cette agence indépendante plutôt que le système actuel, qui est très complexe à mettre en œuvre où se sont les autorités nationales puis la commission qui prend les décisions ? »
Réponse de Ségolène Royal : « Oui, mais il faut bien commencer. Pourquoi tout cela arrive, parce qu’il n’y a pas d’autorité européenne. Les autorités européennes n’ont pas fait leur travail dans ce domaine, la preuve c’est qu’il y a eu le scandale Volkswagen. Des pays prennent des initiatives, je souhaite toujours qu’il y ait un organisme européen, pas une nouvelle bureaucratie européenne mais un organisme européen qui pourrait homologuer et contrôler les organismes nationaux et faire en sorte que les bonnes pratiques puissent se généraliser et qu’on fasse des économies de coût ; car c’est 3 millions d’euros le dispositif que j’ai mis en place. Donc si on mutualise les coûts, les savoir-faire et les technologies, nous serons plus forts collectivement et il n’y aura plus de compétition déloyale d’un pays européen vers un autre. »