Agissons sans plus attendre pour éradiquer les violences contre les femmes en Europe

Les commissions LIBE et FEMM ont organisé ce mardi 29 novembre une audition conjointe sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention d’Istanbul, et la lutte contre les violences envers les femmes. Je suis intervenue lors de cette réunion en tant que co-rapporteure du Parlement sur ce dossier pour LIBE. Les autres orateurs étaient Dubravka Šimonović, Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les violences contre les femmes ; Tiina Astola, Directrice générale de la justice à la Commission européenne ; Marian Filcik, représentant de la Présidence slovaque du Conseil ; ainsi que ma co-rapporteure Anna-Maria Corazza Bildt pour FEMM. Nous partageons tous le même constat : la ratification de cette convention par l’Union européenne permettra de concrétiser et de renforcer les droits des femmes en Europe à vivre loin de toute violence. La Présidence slovaque a confirmé son ambition d’aboutir à l’adoption de la décision de signature d’ici à la fin de l’année, ce qui serait un signal très positif. Je regrette toutefois que de nombreux eurodéputés soient intervenus à la fin de l’audition pour dénoncer idéologiquement la Convention d’Istanbul et le fait que l’Union « s’immisce ici dans les politiques des États membres ». Une eurodéputée polonaise a été jusqu’à dire « qu’il faudrait discriminer ceux qui souhaitent miner les racines chrétiennes de l’UE » ! Heureusement, ces positions sont loin de représenter la majorité du Parlement européen. Cela n’a rien à voir avec la souveraineté des États membres de donner les mêmes droits à toutes les femmes quel que soit le lieu dans lequel elles vivent en Europe.

Voici le texte de mon intervention :

« Merci Président, et merci aussi Madame la Présidente. Je pense qu’il est en effet extrêmement utile que nos deux commissions s’associent pour l’aboutissement de cette exigence. Je suis très honorée et très heureuse de voir qu’avec le Conseil, la Commission, les Nations Unies, nous sommes tous unis pour lutter et pour faire en sorte – je reprends les mots de la Directrice générale de la Commission – « d’éradiquer les violences contre les femmes en Europe ».

Vous vous souvenez, vendredi c’était la journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes. Mais vous le savez, vous tous ici présents, ce n’est pas une seule journée, c’est une bataille qu’il faut mener au quotidien.

Et tout le monde doit se sentir concerné, pas seulement les femmes et les filles. Il est essentiel d’impliquer pleinement les hommes et les garçons si l’on aspire à changer profondément les mentalités sur le rôle et la place des femmes en société.

Ces violences sont le reflet des inégalités structurelles entre les femmes et les hommes, et des nombreuses discriminations dont souffrent les femmes.

Certains considèrent qu’harceler une femme ou l’agresser sexuellement, physiquement ou psychologiquement, ce n’est pas un crime. C’est « normal », parce qu’elle l’aurait bien cherché. Parce que c’est une femme.

Ce sont des attitudes inacceptables qui sont de mise y compris en Europe. Résultat : de nombreuses femmes victimes n’osent pas se rendre à la police pour dénoncer les traumatismes qu’elles ont subis. Elles se murent dans le silence, par peur des représailles. Les responsables, eux, sont souvent très peu inquiétés. Les taux de poursuites de crimes relatifs à la violence envers les femmes sont infimes.

Rappelons aussi que certaines femmes sont encore plus vulnérables face aux violences, notamment du fait de leur orientation sexuelle et identité de genre, de leur âge, leur handicap, leur origine, ou encore si elles ont un statut de migrante, de réfugiée ou de demandeuse d’asile. Et je rends hommage à ma collègue Mary Honeyball pour l’excellent rapport qu’elle a présenté et que nous avons adopté au printemps dernier.

C’est contre toutes les violences fondées sur le genre, perpétrées envers toutes les femmes et les filles, qu’il faut agir en urgence.

L’Union européenne porte une responsabilité forte pour octroyer aux femmes les mêmes droits. C’est un engagement qu’elle doit renforcer, d’autant plus face au constat alarmant qui nous montre que la protection des femmes face à la violence diffère selon les États membres.

La lutte contre les violences envers les femmes ne peut donner des résultats tangibles sans une approche globale, qui conjugue prévention des violences, protection des victimes, poursuites des responsables, et des ressources pour mettre en œuvre toutes ces mesures. Il importe d’offrir des solutions juridiques complètes, mais aussi dans d’autres domaines, comme les politiques sociales, l’éducation, la santé ou encore la culture. Dans ce cadre, les autorités compétentes au niveau national, les associations et les ONG, ou encore les organisations locales et régionales, doivent être amenées à coopérer.

Cette approche, c’est le cœur de la Convention d’Istanbul. Une convention contraignante qui agit sur de nombreux plans, comme la prévention, la lutte contre les discriminations, les mesures de droit pénal, la protection et le soutien aux victimes, la protection spécifique à accorder aux enfants, mais aussi aux réfugiées et demandeuses d’asile.

Il est indispensable que tous les États membres ratifient ce traité international si ambitieux sur la prévention et la lutte contre les violences envers les femmes. Et qu’ils permettent également à l’Union européenne d’y adhérer en parallèle, sans réserves et au sens large, car elle a des compétences dans de nombreux domaines couverts par la Convention.

Ce message, il est porté par le Parlement européen dans sa très grande majorité, comme l’a montré – et Anna-Maria en parlait – l’adoption de notre résolution commune jeudi dernier. Et oui, en effet, l’extrême-droite ne l’a pas votée. Et oui, en effet, l’extrême-droite, à chaque fois que nous faisons des propositions pour défendre les femmes, ils votent contre. Et vous savez ce que dit Marine Le Pen en France dans sa campagne présidentielle ? Qu’elle est la principale défenseuse des droits des femmes. C’est la réalité, il faut toujours le dire. L’Union doit ratifier cette convention dès que possible car elle garantira un cadre juridique cohérent européen pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes et la violence fondée sur le genre.

La lutte contre les violences envers les femmes, et la défense des droits des femmes en général, ne doit pas être restreinte à la seule action des États membres. L’Union européenne peut apporter une valeur ajoutée indéniable et jouer un rôle de coordination essentiel. Elle peut également aider à collecter davantage de données comparables sur ce phénomène préoccupant ; statistiques qui manquent aujourd’hui de façon criante. L’égalité entre les femmes et les hommes et le respect de l’état de droit font partie de ses principes fondamentaux. Pour éviter que ces principes ne deviennent vides de sens, elle doit les traduire en pratique par des mesures ambitieuses.

Nous adopterons l’année prochaine un rapport d’initiative intérimaire qui détaillera nos priorités sur ce dossier. Nous irons dans le détail de la Convention pour montrer en quoi l’adhésion de l’Union européenne peut faire toute la différence. Nous insisterons également sur le processus de suivi et la mise en œuvre de la Convention, et le rôle important que devra jouer le Parlement européen dans ce cadre.

La ratification c’est une chose, la mise en œuvre est une autre priorité. Pour cela, il nous faut des ressources adéquates et suffisantes, et un maximum de volonté politique. Au-delà, nous sommes convaincus qu’une directive sur la prévention et la lutte contre les violences envers les femmes sera la prochaine étape incontournable. Une directive qui permettra de transposer dans les meilleurs délais la Convention d’Istanbul au niveau européen, et de mieux contrôler son application dans les États membres.

L’adhésion de l’Union à la Convention d’Istanbul contribuera à œuvrer en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Même s’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir, on ne peut pas abandonner en cours de route et rester dans l’inaction. À nous d’apporter notre contribution et de traduire notre engagement politique en actions concrètes pour faire avancer ce combat au quotidien.

Je tiens à remercier la Commission européenne pour son engagement robuste et clair. Et je remercie aussi le Conseil pour ses efforts, pour que très vite le Conseil propose la signature par l’Union européenne de la Convention d’Istanbul. »

 

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