« Chroniques d’Alep » de l’artiste syrienne Mouna Ikhlassy au Parlement européen

J’ai eu l’immense plaisir et honneur d’inaugurer l’exposition de gravures « Chroniques d’Alep » de l’artiste syrienne Mouna Ikhlassy au Parlement européen le 10 janvier.

C’est la guerre qui a forcé cette artiste à fuir son pays pour se réfugier à Bruxelles en 2012. Passionnée par la ville où elle est née et son histoire, ses gravures sont des fragments de la carte de la ville d’Alep « écrites » sur plusieurs couches. Car en effet, le tracé de la ville est une calligraphie faite de mots en langue arabe du poète Fouad Mohamed Fouad, mais aussi des noms de personnes disparues.

En parrainant l’exposition « Chroniques d’Alep », j’ai souhaité rappeler le drame qui se déroule en Syrie, pays dévasté par six années de conflits et d’atrocités. Ces hommes, femmes et enfants souffrent encore aujourd’hui d’une guerre inimaginable dans laquelle plusieurs générations ont été décimées; qu’ils soient morts, en situation de détresse humanitaire ou en route vers l’Europe pour fuir l’horreur.

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Je ne les oublie pas. Nous ne les oublions pas. Nous continuerons à relater cette tragédie et à dénoncer les crimes de guerre afin que tôt ou tard, les coupables rendent des comptes devant la justice. C’est la condition pour une paix durable et solide.

Voici mon discours d’inauguration de cette très belle exposition, en français et en anglais :

« Les mots me manquent pour relater l’ampleur de la tragédie qui se déroule en Syrie et à Alep depuis presque 6 ans. Je vais citer le chef des opérations humanitaires de l’ONU décrivant Alep comme « l’enfer sur Terre » et un « carnage ». Six longues années de conflit, de violences et d’atrocités ont fait plus de 400 000 morts et ont mis plus de 13 millions de personnes en situation de détresse humanitaire. Des millions d’entre eux ont également fui vers l’Europe.

Le climat politique s’est électrisé en Europe face à ce qu’on a appelé la « crise migratoire ».

Je suis ici pour rappeler que ces hommes et ces femmes ont fui la guerre et les persécutions. Ce ne sont pas des migrants mais des réfugiés et à ce titre, ils sont en droit d’accéder à la protection internationale. L’Europe a les moyens d’accueillir davantage de réfugiés syriens en respectant la dignité et l’intégrité physique de tout un chacun. Je prône en ce sens l’instauration de voies légales et sûres de migrations afin que les drames sur la route, surtout en Méditerranée, cessent.

L’avenir des Syriens en Europe est intimement lié à l’issue de la guerre en Syrie. Certains souhaiteront rester en Europe quand d’autres voudront certainement rentrer dans leur pays. La situation sur le terrain est d’une grande complexité et fragilité mais je garde espoir dans les développements récents. La trêve des hostilités va permettre l’approvisionnement de l’aide humanitaire mais bien-sûr, elle doit être respectée par toutes les parties. Les négociations prévues à la fin janvier à Astana, sous l’égide de la Russie de l’Iran et de la Turquie, puis les négociations intra-syriennes organisées par l’ONU à Genève le 8 février sont des évolutions positives.

Il est vrai que la communauté internationale porte une très lourde responsabilité, incapable d’arrêter la guerre, de stopper et de sanctionner les violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international. Mais ce que nous faisons ici au Parlement européen ; nos prises de paroles ne sont pas vide de sens. Nous dénonçons encore et toujours les crimes de guerre afin qu’ils ne restent pas impunis. Tôt ou tard, les coupables devront rendre des comptes devant la justice ; cela sera indispensable à la résolution durable du conflit et à la paix.

Voilà pourquoi j’ai souhaité parrainer l’exposition « Chroniques d’Alep » de l’artiste syrienne Mouna Ikhlassy, pour ne pas oublier le drame des habitants d’Alep, et d’ailleurs en Syrie, car nous ne les abandonnons pas. Alep, épicentre du conflit syrien, dévastée par la guerre, les destructions et les pillages d’une ville vielle de 5000 ans, classée au patrimoine mondial de l’humanité. C’était une ville multiculturelle et vivante, « la plaque tournante de l’Orient » comme le décrit l’artiste.

C’est là que vous êtes née Mouna Ikhlassy en 1967. Diplômée de l’Université d’Alep en architecture d’intérieure, vous y avez ensuite enseigné le dessin et la peinture. Mais la guerre vous a forcé à quitter votre pays en 2012 pour vous réfugier à Bruxelles. C’est de Bruxelles que vous avez réalisé cette exposition de gravure. Les gravures sont des fragments de la carte de la ville d’Alep « écrites » sur plusieurs couches. Car en effet, le tracé de la ville est une calligraphie. Vous utilisez des mots en langue arabe du poète Fouad Mohamed Fouad, mais aussi vos propres mots et les noms de personnes disparues. Vous rappelez que derrière les nombres, il y a une vie humaine qui a été détruite.

Je voudrais conclure en reprenant une très belle pensée de l’artiste. Alep fait partie de ces villes éternelles, comme Jérusalem ou Rome, qui ont été détruites plusieurs fois par les hommes au cours de l’histoire. Alep renaitra de ces cendres, je ne peux qu’espérer que ce soit le plus rapidement possible. »

***

« There are no word to express the tragedy we have been witnessing in Syria and in Aleppo for almost 6 years. I will then quote the head of humanitarian operations of the UN who describes Aleppo as “hell on earth” and a “bloodshed”. Six long years of conflict, violence and atrocities have caused more than 400 000 deaths and have put 13 million of person in humanitarian distress. Millions of them have fled the war to Europe.

The political climate is more than tense regarding what is called a migration “crisis”. I am here to remind that these women and men have fled the war and the persecutions. They should be entitled as refugees and not as migrants and as such, they are entitled to receive international protection. Europe has the capacity to host more Syrian refugees while respecting their dignity and their physical integrity. I therefore ask for safe legal migration channels in order to stop all these dramas on the road, in particular in the Mediterranean Sea.

The future of Syrians in Europe is closely linked to the outcome of the war in Syria. Some of them will stay in Europe when others will want to go back home. The situation on the ground is of great complexity and fragility but I keep hope in the recent developments.

The cessation of hostilities will facilitate the provision of humanitarian aid but it must be respected. The negotiations expected at the end of January in Astana, under the auspices of Russia, Iran and Turkey, and the inter-Syrian negotiations organized by the UN in Geneva the 8th of February are positive steps.

It is true that the international community is fully guilty and has been helpless, unable to stop the war and punish the violations of human rights and international humanitarian law. But what we are doing here in the European Parliament; our speeches are not meaningless. We condemn, again and again, the war crimes so that they will not stay unpunished. Sooner or later, whoever commits such crimes must face justice; it is indispensable to ensure a sustainable conflict resolution and peace.

Here is why I decided to host the exhibition “Chroniques d’Alep” by Syrian artist Mouna Ikhlassy, to not forget the drama of Aleppo inhabitants and Syrians, because we do not let them down.  Aleppo, epicentre of the Syrian conflict, devastated by the war, the material destruction and the looting of a 5000 years old city, classified in the world patrimony of the humanity. It was a multicultural and vibrant city, the “major hub of Middle East” as describing by the artist.

You were born there, Mouna Ikhlassy, in 1967. Graduated in Interior Design in the Private University for Arts and Sciences of Aleppo, you then worked there as a teacher in drawing and painting techniques. But the war forced you to flee your country in 2012 to Belgium. You realized this exhibition from Brussels. The engraving are based on fragments of the city map “written” in multiple layers. Indeed, the city streets are a calligraphy. You have used the words of the poet Fouad Mohamed Fouad, you own words and the names of disappeared people. You remind to all that behind numbers, there is one broken human life.

I would like to conclude with a beautiful thought of the artist. Aleppo belongs to these eternal cities, as Jerusalem and Roma, which have been destroyed many times by men in the past. As before, Aleppo will reborn and I hope it will be as quick as possible. »

 

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