La lutte contre les violences faites aux femmes à l’agenda européen à Malte

Du 2 au 4 février, en tant que co-Rapporteure sur la signature de l’Union européenne de la Convention d’Istanbul, j’ai participé à la délégation du Parlement européen qui s’est rendue à Malte pour une mission sur les politiques mises en œuvre pour lutter contre les violences faites aux femmes avec mes collègues Anna Maria Corazza Bildt (Suède), Liliana Rodrigues (Portugal), Marc Tarabella (Belgique), Miriam Dalli (Malte), Terry Reintke (Allemagne) et Anna Záborská (République Slovaque).

La premier temps fort était la conférence sur les réponses de l’Union européenne à la violence fondée sur la différence de genre, où nous sommes intervenues et avons interpellé la présidence du Conseil représentée par Mme Helena Dalli, ministre du dialogue social, de la consommation et des libertés civiles mais aussi la Commission européenne, représentée par Mme Vera Jourova, commissaire à la Justice et à l’égalité de genre.

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Les questions ont surtout porté sur la signature par l’Union européenne de la convention d’Istanbul, toujours en discussion entre les Etats-Membres mais aussi sur la nécessité de travailler sur une directive harmonisant et clarifiant le droit européen en la matière.

Je suis intervenue pour présenter le travail du Parlement européen et ses perspectives. J’ai évidemment rappelé que le droit à l’avortement pour toutes les femmes vivant en Europe devait aussi être défendu et protégé (voir mon intervention ci-dessous).

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La rencontre que nous avons eue à l’issue de la conférence avec la ministre Helena Dalli nous a permis de clarifier les points de blocage sinon de clivage au sein des Etats-membres qui peinent encore à ouvrir vers une souveraineté européenne sur les protections juridiques à l’égard des femmes.

La réunion organisée avec les ONG actives à Malte pour defender les femmes a constitué un temps politique très forts. Nous étions dans la Maison européenne de Malte avec Malta Confederation of Women’s Organisations (MCWO), Women’s Rights Foundation (WRF), National Council of Women, Gender Equality Malta, Malta LGBTIQ Rights Movement (MGRM)/ Rainbow Support Services, St. Jeanne Antide Foundation – SOAR Service, Victim Support Malta  et President’s Foundation for the Wellbeing of Society (TBC).

J’ai profité de cette réunion pour les interroger sur l’avortement, le mariage pour tous, l’adoption, la PMA et la GPA.

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Si Malte a fait évoluer très positivement sa législation en faveur de l’égalité des sexes au regard du droit au mariage, à l’adoption et à la PMA, et des droits des personnes LGBTIQ, en revanche le droit à l’avortement reste interdit et ces ONG sont menacées de perdre leurs subventions si elles se battaient pour ce droit!

Le 4 février, nous avons visité le refuge Dar Merħba Bik, Triq Bribal à Birkirkara qui accueille des femmes et leurs enfants victimes de violence domestique. Cette fondation est tenue par des religieuses catholiques depuis 150 ans. Malheureusement, la situation des femmes prises en charge n’est pas pour autant assurée une fois leur retour dans leur domicile où bien souvent elles se retrouvent avec leur conjoint agresseur.

Nous avons terminé notre mission par une réunion de travail avec la Fondation gouvernementale pour les affaires sociales « Aġenzija Appoġġ » et les autres autorités gouvernementales dédiées à la lutte contre les violences domestiques.

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Malgré les dispositifs mis en place et l’accompagnement proposé à ces femmes, à Malte comme partout en Europe, le nombre de femmes victimes de violences domestiques ne baisse pas.

Ce déplacement ne fait que conforter notre engagement pour la signature rapide par l’Union européenne de la convention d’Istanbul. Le 7 février, les Etats-membres doivent se réunir pour avancer sur les négociations. Il est pour nous indispensable qu’ils parviennent à un accord équilibré et protecteur renforçant les compétences mixtes en Etats-Membre et Union européenne.

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Voici mon intervention lors de la conférence :

Je suis très honorée de pouvoir m’exprimer aujourd’hui devant vous et à l’invitation de la présidence maltaise, dont l’engagement pour les droits humains durant cette présidence est à leur honneur. Je suis aussi émue de voir tant d’hommes et de femmes unis pour éradiquer toutes les formes de violences à l’encontre des femmes. Cet effort de tous est, je le regrette, encore nécessaire en 2017. Les violences perpétrées contre la moitié de la population persistent et constituent un fléau sans précédent au sein de l’UE.

Ce combat que nous menons dépasse cette simple journée ; c’est une lutte quotidienne de l’ensemble de la société contre un système de violence.

Combattre les violences faites aux femmes, ce n’est pas seulement combattre la violence en elle-même mais c’est également lutter contre la discrimination, l’exclusion et la marginalisation des femmes. C’est à cette condition que les mentalités nourries par les préjugés et les stéréotypes sexistes sur le rôle et la place des femmes en société pourront évoluer. Une approche globale est donc ici fondamentale car elle nous permet de comprendre que les femmes sont au carrefour de plusieurs discriminations. Celles qui subissent le plus de violences sont en situation de précarité et de vulnérabilité.

La pauvreté et la dépendance économique aggravent les situations de violence. Les femmes sont toujours plus touchées par la pauvreté que les hommes ; plus d’emplois précaires, plus d’interruptions de carrières ou d’emplois à temps partiels. Ces difficultés financières nourrissent le fléau de la violence. En matière de violence conjugale, les femmes ne peuvent pas dénoncer leurs sévices si elles sont financièrement dépendantes de leurs bourreaux.

Cette situation d’extrême vulnérabilité est exacerbée chez les femmes migrantes ; que ce soit sur la route de l’asile ou lorsqu’elles arrivent en Europe. De nombreuses ONG ont rapporté au Parlement européen les cas d’exploitations sexuelles, les passeurs qui utilisent le sexe comme monnaie d’échange, les cas trop nombreux de mariage forcés ou de mutilations génitales.

Les femmes réfugiées sont particulièrement vulnérables face aux risques de violences, de traite des êtres humains, d’exploitation, de discriminations et d’abus, ce qui entraine un risque accru de pauvreté et de violence. L’intégration à la société d’accueil est évidemment une partie de la solution mais les réfugiées font face à des difficultés pour trouver un emploi, un logement et l’assistance nécessaire.

Je suis membre de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement et je suis très attentive aux conditions des femmes demandeuses d’asiles en Europe. Je me bats pour que ces femmes vulnérables reçoivent une aide adaptée à leurs arrivées aux frontières de l’Europe, notamment psychologique, ainsi que des conditions matérielles dignes.

La lutte contre les violences fait partie d’un combat global. Nous pourrons éradiquer la violence si nous soutenons l’indépendance économique des femmes, si nous prônons leur autonomie dans la société, si nous luttons contre la pauvreté qui les affecte particulièrement. Les députés européens se sont déjà saisis de l’approche globale de la discrimination dans plusieurs rapports ; j’aimerais citer ici le rapport de Mary Honeyball (S&D) sur la situation des réfugiées et demandeuses d’asile ainsi que le rapport de Maria Arena (S&D) sur la pauvreté dans une perspective d’égalité hommes – femmes.

J’aimerais aussi rappeler la résolution commune du Parlement sur l’adhésion de l’UE à la convention d’Istanbul, pour laquelle je me suis battue avec la co-rapporteure PPE. La résolution a été adoptée en novembre dernier, juste avant la journée internationale sur la lutte contre les violences envers les femmes. C’était un symbole fort. C’est une résolution importante dont le but était de faire pression sur le Conseil pour qu’il accélère les négociations de l’adhésion de l’UE à la Convention.

En ce sens, ces rapports ont averti les États membres de la nécessité de prévoir une réponse globale ; par des systèmes de protection sociale qui garantissent des droits sociaux aux femmes victimes de violences, par la promotion de la conciliation entre la vie professionnelle et privée ou par la garantie de la protection des femmes dans les camps de réfugiés.

Mais surtout, je suis fière d’être co-rapporteure du rapport selon lequel le Parlement demande à l’UE de signer et de ratifier la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique – la convention d’Istanbul. Une convention contraignante qui agit sur de nombreux plans, comme la prévention, la lutte contre les discriminations, les mesures de droit pénal, la protection et le soutien aux victimes, la protection spécifique à accorder aux enfants, mais aussi aux réfugiées et demandeuses d’asile. La Convention appelle en effet au développement des procédures d’accueil sensibles au genre et respectueuses de l’égalité des sexes. C’est une première pierre à l’édifice afin de proposer des outils juridiques adéquats pour protéger les femmes où qu’elles soient en Europe. Il est indispensable que tous les États membres ratifient ce traité international si ambitieux et qu’ils permettent également à l’UE d’y adhérer en parallèle, sans réserve et au sens large, car elle a des compétences dans de nombreux domaines couverts par la Convention.

Au-delà de la ratification, je souhaite une directive européenne sur la prévention et la lutte contre les violences envers les femmes et les filles, qui est l’étape suivante incontournable. Une Directive fournirait des définitions communes au niveau européen des crimes perpétrés envers les femmes, permettrait de renforcer la mise en application de la Convention et de traduire en mesures concrètes ses dispositions qui relèvent des compétences de l’Union ; toujours dans le but de protéger toutes les femmes et les filles quel que soit le lieu de résidence.

Car en effet, les femmes ne sont pas seulement menacées par des individus isolés, mais aussi parfois par des États ou des communautés religieuses. Le Parlement européen ne cesse de s’élever contre les initiatives réactionnaires et répressives qui portent atteinte aux droits des femmes et parmi ces droits il devrait y avoir celui de pouvoir disposer librement de son corps. Si certains pensent qu’ils peuvent décider à la place d’une femme, ils ont torts. Le déni de l’accès à un avortement sûr et légal, et les grossesses forcées qui en résultent, sont aussi une violence envers les femmes.

L’UE doit être digne de ses engagements. Lutter contre les violences faites aux femmes, c’est oeuvrer en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes ; objectif de l’UE qui est consacré dans le traité de l’UE et la charte des droits fondamentaux. Oeuvrer pour cette égalité, par l’indépendance et l’autonomisation des femmes dans la société, c’est contribuer à éradiquer de manière durable toutes les formes de violences.

 

 

 

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