Les commissions LIBE et FEMM ont organisé le lundi 27 mars une audition conjointe sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention d’Istanbul. C’est la seconde audition organisée par le Parlement européen sur cette Convention ; notre combat contre toutes les formes de violence envers les femmes continue.
En tant que Co-Rapporteure du rapport selon lequel nous demandons à l’UE de signer et de ratifier la Convention d’Istanbul, je me suis longuement exprimée afin de rappeler que l’adhésion de l’UE garantirait un cadre juridique cohérent en Europe, dans le but de protéger toutes les femmes et les filles quel que soit leurs lieux de résidence. Les chiffres de l’Agence des Droits Fondamentaux sont insupportables : un tiers des femmes en Europe ont souffert de violences physiques ou sexuelles dans leurs vies et une femme sur vingt a été violée depuis l’âge de 15 ans. L’UE doit urgemment réagir en ratifiant la Convention d’Istanbul, premier instrument international contraignant sur la question.
Avec ma Co-Rapporteure Anna-Maria Corazza Bildt, nous avons convié Mme Sahiba Gafarova du Conseil de l’Europe ainsi que des actrices de terrain : Mme Elisabeth Moiron-Braud qui dirige la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains en France, la professeure Gun Heimer du centre suédois pour la connaissance des violences contre les femmes et Mme Maria Miguel-Sierra de l’association La Voix des femmes en Belgique.
Toutes les intervenantes ont montré en quoi la Convention d’Istanbul était nécessaire et utile dans leurs luttes quotidiennes contre la violence. Nous partageons le même constat : la ratification de l’UE permettra de concrétiser et de renforcer le droit de femmes en Europe à vivre loin de toute violence.
« Je voudrais d’abord remercier les intervenantes qui nous font l’honneur d’être présentes et je les remercie pour leurs engagements contre les violences faites aux femmes.
Je suis fière d’être là parmi vous aujourd’hui et fière d’être co-rapporteure du rapport selon lequel le Parlement demande à l’Union européenne de signer et de ratifier la Convention d’Istanbul. Le travail conjoint de nos deux commissions est indispensable pour relever le défi que nous nous sommes fixés : éradiquer la violence contre les femmes ; assurer à toutes les femmes, où qu’elles soient en Europe, une vie sans violences tant dans la sphère privée que publique.
Je regrette de constater qu’en 2017, notre combat est encore nécessaire. Nous connaissons tous les résultats de l’enquête de l’Agence pour les droits fondamentaux en Europe (FRA) mais je les rappelle car il faut prendre la mesure de ce que nous combattons : un tiers des femmes en Europe ont souffert de violences physiques ou sexuelles dans leurs vies. 1 femme sur 20 a été violée depuis l’âge de 15 ans. La moitié des femmes de l’UE évitent certaines situations ou certains lieux de peur d’être agressées physiquement ou sexuellement.
Le constat est sans appel ; c’est un fléau sans précédent. Une société, où la moitié de la population fait face au risque permanent de devenir victimes de violences, exige que tout le monde prenne ses responsabilités. Tout le monde doit se sentir concerné, pas seulement les femmes et les filles. Il est essentiel d’impliquer pleinement les hommes et les garçons si l’on aspire à changer profondément les mentalités sur le rôle et la place des femmes en société.
Car certains considèrent qu’harceler une femme ou l’agresser sexuellement, physiquement ou psychologiquement, ce n’est pas un crime. Certains pensent que cela ne devrait pas être puni par la loi, d’autres déclarent que les rapports sexuels sans consentement peuvent se justifier. Ce sont des attitudes intolérables.
Souvent les femmes victimes ne dénoncent pas à la police leurs sévices car elles ont honte ou peur des représailles. Résultat les responsables ne sont pas inquiétés et les taux de poursuites de crimes relatifs à la violence envers les femmes sont infimes. La honte doit changer de camp. C’est aux agresseurs d’avoir honte et d’être punis.
Rappelons aussi que les femmes sont au carrefour de plusieurs discriminations. Celles qui subissent le plus de violences sont en situation de précarité ou de vulnérabilité du fait de leur orientation sexuelle et identité de genre, de leur âge, leur handicap, leur origine, ou encore si elles ont un statut de migrante, de réfugiée ou de demandeuse d’asile.
C’est contre toutes ces violences envers toutes les femmes et les filles que l’Union européenne doit agir en urgence. Un outil existe : c’est la Convention d’Istanbul, premier instrument international juridiquement contraignant sur la question.
La Convention agit sur de nombreux plans, comme la prévention, la lutte contre les discriminations, les mesures de droit pénal, la protection et le soutien aux victimes, la protection spécifique à accorder aux enfants, mais aussi aux réfugiées et demandeuses d’asile.
Car combattre les violences faites aux femmes, ce n’est pas seulement combattre la violence en elle-même mais c’est également la prévention de ces violences, la protection des victimes, les poursuites des responsables, et des ressources pour mettre en œuvre toutes ces mesures. Cette approche globale, au cœur de la Convention, nous donnera des résultats tangibles.
Notre rapport appelle donc l’Union européenne à signer et à ratifier cette Convention au plus vite. Elle doit y adhérer sans réserve et au sens large et en parallèle des États membres car elle a des compétences dans de nombreux domaines. J’aimerais tout de suite dire que l’adhésion de l’UE n’exonère pas les États membres de leurs responsabilités. Si tous l’ont signé, je rappelle que seulement 14 l’ont ratifié à ce jour et c’est plus qu’insuffisant.
Avec l’adhésion de l’UE, nous garantirons un cadre juridique cohérent européen, toujours dans le but de protéger toutes les femmes et les filles quel que soit le lieu de résidence en Europe. Les récentes attaques réactionnaires de certains États membres contre les droits des femmes nous rappellent que les femmes ne sont pas protégées de la même façon face à la violence selon le pays dans lequel elles vivent.
L’Union européenne a une valeur ajoutée indéniable, notamment dans la collecte de données comparables sur les violences basées sur le genre car les statistiques manquent. Ces statistiques sont pourtant indispensables pour mieux appréhender et répondre à ce fléau. En France par exemple, des enquêtes ont révélé que 30% des femmes s’adressent d’abord à leurs médecins. Cette information a permis d’orienter les actions politiques en formant davantage les professionnels de santé afin qu’ils puissent gérer et accompagner ces victimes. Il est primordial de récolter ces données à travers l’Europe afin que notre réponse soit pertinente et efficace.
Une fois la Convention signée et ratifiée, notre combat ne sera pas terminé, au contraire. Le Parlement européen devra être particulièrement attentif à la mise en oeuvre et être pleinement engagé dans le mécanisme de suivi car c’est le réel enjeu. Il nous faut des ressources adéquates et suffisantes pour que toutes ces mesures deviennent concrètes, et un maximum de volonté politique.
Au-delà, nous sommes convaincus qu’une directive sur la prévention et la lutte contre les violences envers les femmes sera la prochaine étape incontournable. Une directive fournirait des définitions communes au niveau européen des crimes perpétrés envers les femmes, permettrait de renforcer la mise en application de la Convention et de traduire en mesures concrètes ses dispositions qui relèvent des compétences de l’Union. J’en appelle à la Commission européenne et à la Commissaire Vera Jourova que le temps est venu, il est urgent de ne pas attendre.
Je finirai en insistant sur un point : l’adhésion de l’Union à la Convention d’Istanbul contribuera à œuvrer en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, objectif consacré dans le traité de l’UE et la charte des droits fondamentaux. Ce n’est pas une valeur vide de sens, nous devons la traduire en pratique par des mesures ambitieuses.
Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir mais aucune fatalité de notre part. Notre rapport montre l’engagement politique sans faille du Parlement en faveur de la moitié des citoyens.
Je tiens à remercier la Commission, le Conseil et le Conseil de l’Europe pour leurs efforts et leurs engagements. Je tiens à remercier tous ceux qui sont présents aujourd’hui ici, cela me donne de l’espoir et du courage pour aller au bout de notre rapport ».