Convention d’Istanbul sur les violences faites aux femmes. Examen des amendements

Lors de la commission conjointe LIBE et FEMM du 8 juin, nous avons débattu et examiné les amendements déposés sur mon rapport pour l’adhésion de l’Union européenne à la Convention d’Istanbul.

En tant que Co-Rapporteure pour la commission LIBE, je suis longuement intervenue afin de présenter les amendements qui ont été déposés ainsi que d’exposer à mes collègues les progrès réalisés sur ce rapport et le calendrier à venir.

Je me suis félicitée de la grande majorité des amendements car ils vont dans le sens de mon combat pour plus de protection pour toutes les femmes ; où qu’elles soient en Europe. Nous avons progressé sur des éléments très importants, tels que la prise en compte de la discrimination multiple. Les femmes migrantes, réfugiés, lesbiennes ou les femmes Roms font face à un risque accrue de violence car elles sont au carrefour du sexisme, du racisme ou de l’homophobie.

A l’inverse, des députés de droite ou d’extrême-droite regrettent l’accession de l’UE à la Convention d’Istanbul et pensent que la lutte contre les violences faites aux femmes est insignifiante, non prioritaire. Certains amendements véhiculent même des messages intolérables sur les femmes ou les migrants, en liant la hausse des mariages forcés avec l’arrivée de migrants par exemple. J’ai rappelé avec fermeté qu’ils ne seront en aucun cas pris en compte.

Par ce rapport, le Parlement doit être à la hauteur des femmes d’Europe qui ont le droit de vivre sans violences. Je suis confiante et je me réjouis de pouvoir continuer ce travail avec l’ensemble des groupes politiques. Le vote en commission est prévu début juillet.

Merci Monsieur le Président, Merci Madame la Présidente,

Je voudrais tout d’abord remercier les rapporteurs fictifs, et tous les députés qui ont déposé des amendements, pour leur travail et leur investissement sur ce sujet si important.

318 amendements ont été déposés. Nous-mêmes, nous étions limités à un nombre de 6000 caractères pour la première version du rapport ; la raison pour laquelle j’ai également déposé des amendements, soit avec mon groupe, et je remercie ici ceux qui ont co-signé, soit avec la co-rapporteure Mme Corazza-Bildt, que je remercie également pour sa coopération.

Je suis satisfaite par la grande majorité des amendements déposés car ils vont dans le bon sens et je me réjouis de voir qu’un consensus se dégage sur plusieurs points fondamentaux :

  • les violences basées sur le genre sont la cause et la conséquence des inégalités entre les hommes et les femmes et il faut donc réfléchir la lutte contre ces violences de manière globale, avec des réponses globales. C’est le sens de l’approche holistique, que nous adoptons tous : un changement de mentalités de l’ensemble de la société par l’éducation, par l’éducation sexuelle, par l’inclusion sociale. C’est un combat contre les stéréotypes et les messages sexistes, notamment lorsqu’ils sont diffusés dans les médias et les médias sociaux.
  • la nécessité aussi de renforcer la prévention, la protection et les poursuites, et je suis d’accord avec vous : ceux qui commettent ces crimes doivent être punis en conséquence et les femmes doivent recevoir tout le soutien du système judiciaire. Nous demandons la formation de tous les professionnels, notamment de la justice, et l’élaboration de lignes directrices afin d’éviter toute « re-victimisation ».
  • nous réaffirmons la nécessité d’allouer des ressources suffisantes tant financières qu’humaines pour la mise en oeuvre effective de la Convention. C’est le réel enjeu.
  • je remercie ceux qui demandent à la Commission un acte législatif. C’est fondamental, ce rapport n’est que la 1ère étape et notre combat ne s’arrêtera pas après son adoption.  Il faut un acte législatif – tel qu’une Directive – qui fournirait des définitions communes au niveau européen des crimes perpétrés envers les femmes et qui permettrait de renforcer la mise en application de la Convention. Je me félicite de voir que nous sommes sur la même ligne sur ce point.
  • je voudrais aussi faire part de mon vif intérêt pour les amendements sur la création d’un coordinateur européen pour la lutte contre les violences faites aux femmes – ce coordinateur pourrait déjà représenter l’UE dans le GREVIO, c’est-à-dire l’organe indépendant qui est chargé de veiller à la mise en œuvre, par les Parties, de la Convention d’Istanbul. C’est une demande de plusieurs groupes politiques : outre les sociaux-démocrates, la GUE et l’ALDE et je suis certaine que nous trouverons des soutiens dans d’autres groupes.
  • autre point largement repris, l’ajout d’un paragraphe sur la discrimination multiple où nous avons tous bien expliqué que les femmes migrantes, réfugiés, avec un handicap, les femmes transgenre ou lesbiennes, ou les femmes Roms font face à un risque accrue de violence. Elles sont au carrefour du sexisme qui se mélange au racisme ou à l’homophobie.
  • Aussi, après l’intervention de Mme Stevens lors de la présentation du rapport le 12 avril dernier qui a rappelé les difficultés pour les femmes handicapées, la plupart d’entre vous ont pris en compte cet appel – je m’en félicite.

L’amendement n°40 des co-rapporteurs, et bien d’autres de l’ALDE, de la GUE ou des Verts, ont fait référence à la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées. Nous avons rappelé que ces femmes handicapées seront mieux protégées de la violence si l’UE accède à la Convention d’Istanbul. Mme Stevens a également rappelé que toutes les mesures doivent s’appliquer sans discrimination aucune ; que ce soit sur la religion, l’origine sociale ou le handicap. Et c’est très pertinent.

  • J’aimerais également évoquer mon amendement sur l’avortement, ainsi que l’amendement  déposé par Mme Kuneva et Mme Bjork également sur ce point. Le déni d’un avortement sûr et légal, et les grossesses forcées qui en résultent, est une violation des droits de l’homme et une violence extrême contre les femmes. Les femmes doivent avoir accès à un avortement sûr et légal ; c’est fondamental. Ce n’est pas « hors sujet ». D’abord parce que la Convention porte sur les violences faites aux femmes et le déni de l’avortement est une violence. Aussi car nous avons ici une occasion politique ; et je ne vois pas à l’heure actuelle d’autres occasions de le faire. Surtout aujourd’hui, alors que nous observons des mesures réactionnaires partout en Europe. Je ne rappelle pas ce que la Pologne a essayé de faire. Il ne faut jamais renoncer aux questions les plus importantes ; si nous ne défendons pas le droit à l’avortement ; qui le fera ? Nous ne sommes pas à la hauteur des milliers de femmes qui ont manifesté en Pologne et qui ont su résister à leur gouvernement.

En revanche et je dois le souligner aussi, d’autres amendements sont problématiques voire douteux ; je ne les soutiendrai pas. Certains amendements regrettent l’accession de l’UE à la Convention, estiment que la Convention est insignifiante. D’autres véhiculent des messages très négatifs sur les migrants et sur les femmes, parfois réduites à leur seul rôle de mères.

Une réunion avec les rapporteurs fictifs a été organisée à Strasbourg le 18 mai. Nous avons déjà bien travaillé et avancé sur de nombreux compromis qui portent :

  • sur les femmes handicapées – et nous reconnaissons qu’il est encore plus difficile pour ces femmes de reporter des cas de violences à cause de leurs situations de dépendance- et la discrimination multiple comme je l’ai évoquée.
  • sur l’impact des violences sur les victimes tant l’impact psychique, physique, émotionnel, sexuel et également économique. Aussi, les enfants sont victimes, déjà en étant témoins de la violence domestique.
  • sur la contribution essentielle de la société civile dont le rôle et le travail pour lutter contre les violences faites aux femmes doivent être reconnus et encouragés.
  • Autre compromis qui rappelle que les femmes ne sont pas protégées de la même manière contre les violences à cause de politiques et de législations différentes en Europe mais aussi à cause du manque d’une stratégie européenne et d’une absence d’acte législatif. ; c’est le sens de notre travail de pousser pour une harmonisation des protections, de l’accès aux refuges, à l’information nécessaire et de soutien.
  • nous avons également un accord sur la mention de l’auto-défense, que nous considérons comme un des outils pour réduire la victimisation des femmes.
  • je suis aussi fière du compromis qui énonce que l’honneur ne peut être en aucun cas une justification pour un acte de violence.
  • rapidement, je souhaite également mentionner que nous avons pris en compte des nouvelles formes de violence sur internet sur les médias sociaux : la vengeance pornographique, le voyeurisme … et nous appelons les états membres à adopter des mesures concrètes.

Une seconde réunion est prévue la semaine du 19 juin à Bruxelles. Il reste encore des dispositions importantes sur lesquelles nous cherchons un accord. Je pense notamment à l’asile et à la migration et en tant que rapporteure pour LIBE, je suis très attentive aux demandeuses d’asile et les migrantes qui sont très vulnérables et d’autant plus sujettes aux violences basées sur le genre.

En termes de calendrier, nous pourrons voter le rapport en LIBE/FEMM le 10 ou 11 juillet et finalement voter en plénière en septembre.

Je me réjouis de pouvoir poursuivre ce travail avec les rapporteurs fictifs. Je suis certaine que nous serons à la hauteur de toutes les femmes d’Europe, qui ont le droit de vivre sans violences. Le Parlement a ici une belle opportunité de montrer qu’il impacte positivement et de manière significative la vie de ses citoyens ; contrairement à ce que de nombreux populistes préfèrent laisser entendre.

Je finis rapidement par quelques mots pour vous prévenir que le Conseil a adopté le 11 mai dernier deux décisions sur la signature de l’UE à la Convention. Ces deux décisions différentes couvrent des compétences exclusives de l’UE : une décision pour l’asile et le non-refoulement et une décision pour la coopération judiciaire en matière pénale.

Avec Mme Corazza-Bildt, même si nous saluons l’avancée de ce dossier au Conseil, nous regrettons que l’adhésion soit limitée à des compétences très restrictives.  Nous allons le dire dans ce rapport car on ’interroge sur les conséquences juridiques. Nous avons aussi demandé un avis au service juridique du Parlement européen afin de comprendre les raisons de ce choix et surtout les conséquences dans la mise en oeuvre de la Convention par l’UE. Nous vous tiendrons bien-sûr au courant.

Merci

 

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