Du 18 au 20 septembre, je participais à la délégation des députés européens de la Commission des Transports en mission en Bulgarie. La Bulgarie prendra la présidence du Conseil de l’Union européenne à partir du 1er janvier 2018 pour 6 mois.
Présidée par Vim Van de Camp, le coordinateur néerlandais PPE, la délégation était également composée de Lucy Anderson S&D Royaume Uni, Marian-Jean Marinescu PPE Roumanie, Peter Kouroumbashev S&D Bulgarie et Andrey Novakov PPE Bulgarie.
A Sofia, lundi, nous avons commencé notre mission par deux réunions au Ministère des transports en présence des vice-ministres
La première réunion était consacrée aux projets d’infrastructures ferroviaires, routières financés par l’EFSI et le MIE. La seconde concernait le paquet mobilité et plus spécifiquement le volet social du paquet routier (cabotage).
Le gouvernement bulgare fait du paquet mobilité sa priorité. La révision de la directive eurovignette est selon lui le premier pilier (« commercial ») de ce paquet. Le pilier social suscite des débats très animés en Bulgarie et constitue un dossier très sensible.
La Bulgarie reçoit un niveau très élevé de financements européens pour ses infrastructures ferroviaires et routières ; 1,8 milliards d’euros ont ainsi été versés (1,4 milliards d’euros via le Fonds européen d’investissements stratégiques pour la reconstruction et la modernisation de voies ferroviaire et la rénovation des infrastructures autoroutières mais aussi pour la construction de la 3ème ligne de métro de Sofia et 406 Millions d’euros via le mécanisme d’interconnexion européen pour les voies ferroviaires et la voie fluviale du Danube.

Outre les très importants financements provenant de l’Union européenne, j’ai souhaité interroger les représentants du gouvernement sur les annonces faites en 2016 par le gouvernement chinois pour une participation financière de 10 milliards d’euros en Europe centrale et leurs éventuels investissements en Bulgarie. Cet engagement chinois ayant comme contrepartie des engagements auprès d’industries chinois pour du matériel ferroviaire pénalisant les industries européennes, alors même qu’au Parlement européen nous avons adopté une résolution demandant à la Commission européenne que les investissements non européens dans le ferroviaire ne pénalisent pas les acteurs industriels européens du secteur. La réponse bulgare a été pour le moins évasive. Aucun projet abouti d’investissement en Bulgarie n’aurait été pris par les Chinois.
Nous sommes ensuite passés à la discussion sur le paquet route. Il était prévu que participent à cette discussion des Transporteurs routiers et des représentants syndicaux.

Sans surprise, les transporteurs bulgares se sont vivement opposés aux propositions de la Commission européenne, tant sur la révision de la directive des travailleurs détachés que sur le cabotage. Il s’agit pour eux d’une déclaration de guerre de la Commission influencée par deux Etats la France et l’Allemagne. Le transport routier constitue une activité économique majeure en Bulgarie. Les transporteurs bulgares refusent les propositions législatives sociales de la Commission les jugeant non applicable pouvant menacer tout leur secteur. Ils considèrent que les chauffeurs bulgares ont une qualité de vie supérieure en travaillant sur l’ensemble du territoire européen.
Si les transporteurs étaient venus très nombreux, seul un représentant syndical assistait à notre réunion sans avoir été autorisé à prendre la parole. J’ai regretté cela d’autant que la délégation du Parlement européen avait approuvé d’avoir ce débat à la condition que les syndicats puissent également s’y exprimer. Je suis intervenue pour rappeler que l’ensemble des syndicats européens s’étaient prononcés en faveur des propositions de la Commission, y compris les syndicats bulgares, en signant un texte commun : l’alliance de Varsovie en avril 2017.
A l’issue de la réunion, avec mes collègues Lucy Anderson et Peter Kouroumbashev nous avons pu échanger avec le représentant syndical présent qui a confirmé son désaccord avec la position des transporteurs.
Le calendrier parlementaire sur les questions sociales dans les transports fixe au premier semestre le temps utile de débats et d’amendements. Il est peu probable que côté Conseil, avec la présidence bulgare, la volonté de parvenir à un accord durant cette période soit partagé.
Nous avons poursuivi notre mission en visitant la gare ferroviaire de Sofia qui a été récemment entièrement rénovée grâce aux financement rénovée. La gare est multimodale, jouxtant la gare routière et la station de métro.

Toutefois, malgré l’heure « de pointe », 17H00, nous avons constaté qu’elle était très peu fréquentée eu qu’aucun train ne circulait. Malgré de très importants investissements européens pour le trafic ferroviaire en Bulgarie, celui reste très peu utilisé au bénéfice du transport routier.
Nous avons ensuite effectué un parcours en véhicule électrique qui commence à se déplacer à Sofia. Toutefois seuls 70 points de charge sont développés sur l’ensemble du pays ce qui empêche tout déploiement à grande échelle.
Mardi 19 septembre, nous nous sommes rendus à Bourgas en van. 380 km sur une autoroute en partie rénovée (grâce aux financements européens), très empruntée notamment par de très nombreux camions.
Les morts sur la route constituent un fléau pour ce pays et un enjeu de politique publique pour le gouvernement et nous avons pu en constater la réalité (vitesse excessive, téléphone au volant).
Bourgas est la 4ème ville de Bulgarie, sur la Côte de la Mer Noire, à proximité de la Turquie. La ville est en plein essor avec une activité maritime et touristique en expansion.

Nous avons déjeuné sur l’ile Anastasia qui accueille une chapelle du 16ème siècle, un monastère successivement utilisé comme prison (pendant la guerre et sous le régime soviétique et désormais en musée, un hôtel restaurant. Tous ces équipements soigneusement préservés grâce aux financement européens de la politique de cohésion.


L’étape suivante était le port maritime de Burgas. L’autorité maritime est nationale mais les quatre terminaux du port ont été entièrement privatisés.

Anguel Zabourtov, Directeur général des infrastructures portuaires bulgares nous a présenté les différentes activités dans le bâtiment neuf (financé par les fonds européens) de l’autorité portuaire. Les nombreuses activités commerciales sont tournées vers la Mer Noire et la Mer Caspienne : Turquie, Georgie, Azerbaïdjan, Iran, Kazakhstan, Chine.

Nous avons pu remarquer de très nombreux pipelines destinés à être implantés entre la Bulgarie et la Turquie pour acheminer le gaz depuis la Russie…

Comme pour la gare ferroviaire de Sofia, l’activité sur le port le temps de notre visite était très réduite…
Le mercredi 20, nous sommes retournés à Sofia par le vol intérieur Bulgaria Air, et avons constaté la très forte activité à l’aéroport de Bourgas.
A l’assemblée nationale bulgare, nous avons une réunion très riche avec les membres de la commission des transports et les vice-ministres des transports.

Leur agenda parlementaire a comme priorité la réforme du code de la route pour renforcer la sécurité routière avec trois volets : sécurité, maintenance et formation des conducteurs. Ils sont également engagés vers l’instauration de péages routiers au moyen de vignettes. Etant rapporteure pour la révision législative, je leur ai indiqué que les préconisations européennes allaient vers un système de redevance appuyée sur deux principes : pollueur payeur et utilisateur payeur et qu’à l’issue de 2020, les systèmes de vignettes devraient avoir disparu. Je leur ai également indiqué que la destination des recettes engendrées par ces redevances devrait permettre le financement des autres modes de transport dont le ferroviaire et la rénovation des routes.
Nous avons eu ensuite un nouveau débat vif sur le dumping social dans les transports routiers. Les parlementaires nationaux et européens bulgares et roumain dénonçant les propositions de la commission européenne et du Parlement européen.
L’argument qu’ils ont le plus souvent avancé était que l’Union européenne doit respecter la libre circulation et la question sociale n’est en aucun cas un socle du cadre européen ! Avec Lucy Anderson nous avons évidemment indiqué que nous ne partagions pas cette appréciation, d’autant que la Commission européenne en juin 2014 s’est engagée à faire du pilier social sa priorité. L’Europe ne peut avancer sans les Européens qui attendent des actes et une réelle protection. Si nous regrettons que ce pilier ne soit toujours pas concrétisé, nous continuerons à nous battre pour qu’il voit le jour.

Nous avons poursuivi notre mission par une visite des chantiers métropolitains : avec la construction de la 3ème ligne de métro dont le coût est estimé à 498 millions d’euros dont 300 millions proviennent des fonds européens. Cette nouvelle ligne permettra d’accueillir 500000 usagers (contre 350000 aujourd’hui avec les 2 lignes actuelles).
Nous avons fini par la gare centrale de Sofia, où la station de métro a été construite sous les restes archéologiques de la ville romaine, remarquablement mis en valeur (grâce aux financements européens).

C’était une visite très enrichissante qui m’a permis de prendre la mesure de l’importance de la politique de cohésion européenne pour ce jeune pays européen. Le défi qui est devant nous et peut-être que la présidence du Conseil en janvier y contribuera, est de faire partager l’aboutissement de l’intégration européenne par l’harmonisation sociale à cette échelle.

L’Union européenne ne se limite plus à un marché économique, cela doit maintenant passer par un territoire aux droits sociaux et fiscaux protecteurs au bénéfice des Européens.