Au début de l’été 2016 éclatait l’affaire Barroso. Ce dernier avait pris la décision de vendre ses services à Goldman Sachs.
De lui nous connaissions son bilan : ses dix années passées à la tête de la Commission européenne ont laissé l’Europe exsangue, frappée par le chômage de masse. Nous savions aussi qu’il faisait systématiquement passer sa carrière personnelle, son propre intérêt, avant tout le reste.
Maintenant, nous savons que c’est un menteur : en effet, M. Barroso avait assuré que Goldman Sachs ne le recrutait pas comme lobbyiste. Il s’était d’ailleurs engagé à ne pas entrer en contact avec des commissaires européens. Selon les informations publiées aujourd’hui par Mediapart, nous savons que cela est faux.
Comme en 2016, les membres de la délégation socialiste française demandent la déchéance du droit à pension de M. Barroso ainsi que des autres avantages afférents. M. Barroso a déjà coûté trop cher à l’Europe.
En 2016, les membres de la délégation socialiste française avaient également exigé une traçabilité intégrale d’absolument tous les contacts entre M. Barroso et ses équipes avec des membres, des fonctionnaires et des représentants de la Commission européenne, du Parlement européen, et du Conseil. En prenant soin de préciser : « Au premier manquement, des sanctions – comme le boycott de Goldman Sachs par les Etats membres – devraient être envisagées ». La Commission européenne doit enfin cesser de multiplier les fautes politiques : elle doit sanctionner M. Barroso, Goldman Sachs et ses propres membres qui n’ont pas respecté un minimum d’éthique.
Sur le cas Barroso, la date était bien choisie : en plein week-end de la Toussaint, le comité dit « d’éthique » a rendu son avis. « Peu judicieux », le recrutement indécent, indigne et honteux de M. Barroso par Goldman Sachs ne violerait pas les règles « d’intégrité et de réserve ». Comment le comité d’éthique, saisi suite aux observations de la médiatrice, peut-il argumenter ainsi et conclure que le code est respecté ? Le discernement, dont doit faire preuve un ancien commissaire dans l’acceptation de nouvelles fonctions, va au delà du respect d’un délai de carence de 18 mois.
Petit problème dans cette communication de crise en deux temps : cet avis se base exclusivement sur les dires de M. Barroso. Autant le dire clairement : cet avis ne vaut rien ! Comme il est non contraignant, nous continuons d’exiger une enquête indépendante. Seule la Cour de justice peut la garantir, c’est pourquoi la Commission européenne doit la saisir.
C’est pendant le même week-end que les propos clairement racistes et homophobes ou stigmatisant à l’égard de la Wallonie du commissaire Oettinger ont défrayé la chronique. Avant même ces propos intolérables, sa promotion au poste de vice-président de la Commission européenne, avec un élargissement de ses responsabilités, posait problème. Autant dire qu’après ce week-end, notre position est claire : nous exigeons que Mme Merkel et M. Juncker prennent leurs responsabilités. L’Union européenne ne doit plus tolérer qu’un de ses représentants actuellement en poste tienne de tel propos abjects et outranciers.
Nos précédents communiqués de presse sur le cas Barroso :
Mme Kroes, ancienne commissaire européenne en charge du numérique sous l’ère Barroso et qui travaille désormais pour Uber, vient donc de se faire épingler dans l’affaire des Bahamas Leaks.
Elle est restée 9 ans à la tête d’une société des Bahamas sans rien déclarer, avec de forts soupçons de conflit d’intérêts. C’est là une violation totale du code de conduite des commissaires européens. Faut-il rappeler que M. Barroso avait tout fait pour la protéger lors de sa désignation comme commissaire européenne, alors que le Parlement européen soulevait de nombreux cas de risque de conflit d’intérêts ?
Récemment, toute honte bue, Mme Kroes avait eu le culot d’expliquer dans une tribune que « les aides d’État ne sont pas les bons outils pour lutter contre l’évasion fiscale » : elle visait alors Margrethe Vestager, qui venait de condamner Apple à 13 milliards d’euros pour aide d’État illicite.
Il y a ceux qui font, et ceux qui détruisent. Mme Kroes appartient très clairement à la deuxième catégorie. Si Uber tient un tant soit peu à son image de marque, nous ne pouvons que leur suggérer, outre de payer leurs impôts là où ils font leurs profits, de donner congé à Mme Kroes dans les plus brefs délais. Si M. Juncker aime autant l’Europe qu’il le dit, il doit sans délai engager toutes les poursuites possibles contre les cas de pantouflage et de mensonges de M. Barroso et de Mme Kroes.
À eux deux, Mme Kroes et M. Barroso symbolisent la même dérive inacceptable, celle du conflit d’intérêts de responsables politiques, qui passent plus de temps à se servir qu’à servir les citoyens.
Pour leur part, les eurodéputés socialistes et radicaux ont lancé une initiative parlementaire dans le but d’empêcher de tels recrutements indécents, indignes et honteux. Nous demandons aussi que le mandat de la commission d’enquête sur les Panama papers soit élargi afin de couvrir les violations alléguées du code de conduite, notamment dans les cas Kroes et Barroso. Nous ne pouvons qu’inviter une majorité d’eurodéputés à nous soutenir : ceux qui défendent l’Europe doivent devenir le pire cauchemar de ces sans-gêne !
Lundi 5 septembre, la commission d’enquête sur les fraudes aux émissions des véhicules a auditionné Janez Potočnik, ancien Commissaire à l’Environnement de 2009 à 2014, et Antonio Tajani, ex-Commissaire à l’Industrie de 2009 à 2014 (et, accessoirement, actuel vice-Président du Parlement européen, du Groupe PPE).
La période est cruciale pour l’enquête car c’est celle où le JRC (Joint Research Centre) rend ses études concernant les meilleurs protocoles de tests d’émissions, alors que la norme Euro 5 rentre en vigueur. C’est la période où la chute des émissions aurait dû être spectaculaire, mais où la courbe des émissions réelles ne suit pas celle des normes de plus en plus contraignantes. C’est, enfin, la période qui aurait dû voir le début des tests en conditions réelles de conduite (RDE), mais dont la mise en œuvre a été reportée de plusieurs années, sans qu’on sache bien pourquoi. Ces tests sont d’ailleurs attendus pour 2017 dans l’Union européenne, mais ne sont toujours pas pratiqués à ce jour, bien qu’étant techniquement au point.
Le format des auditions, un ping-pong de questions-réponses de trois minutes, ne permet hélas pas d’aborder toutes les zones d’ombres, et il subsiste beaucoup d’interrogations sans réponses suite à la réunion du 5 septembre. Mais il apparaît clairement que les Commission Barroso n’a pas voulu aller plus loin pour comprendre pourquoi les émissions ne diminuaient pas aussi vite qu’elles auraient dû, soit parce que le sujet ne leur semblait pas assez important, soit parce qu’ils en ont été dissuadés.
Le Commissaire Tajani a délibérément fait l’impasse sur l’une de ses missions – pourtant fondamentale pour que le droit européen vive- à savoir le contrôle de la bonne application et du bon respect de la législation européenne, alors même que son collègue Potocnik l’avait enjoint à le faire !
La Commission Barroso a clairement opéré un arbitrage entre défense de l’environnement et santé publique d’un côté, et soutien à l’industrie de l’autre au profit de celle-ci. Si nous vivions une réelle crise économique ayant fortement impacté le secteur automobile, le choix opéré par la Commission d’opposer facticement entre économie et environnement démontre qu’elle n’avait pas de vision stratégique d’avenir. Elle est allée à l’encontre des demandes des citoyens auraient souhaité, en tout cas pas vers le développement durable.
Les travaux de la commission d’enquête doivent encore se poursuivre, avec la Commission actuelle, puis la prochaine séquence sera consacrée aux autorités nationales.
Audition de J Potocnik, Commissaire à l’Environnement (2004-2010)
CRAB « Je vais poursuivre les questions posées ma collègue Miriam Dalli par rapport aux études du JRC que vous citiez et l’écart de 400 à 500 fois pire en conditions réelles des émissions de NOx par rapport à ce qu’il y a eu en laboratoire. Vous parlez beaucoup du JRC que vous connaissez très bien, mais vous n’avez pas eu envie, comme évoqué dans votre propos préliminaire, de faire de votre mieux pour rassembler des preuves ? Vous n’avez pas eu envie de demander au JRC de chercher pourquoi cet écart pouvait être aussi grand ? Faire cette enquête était l’un des travaux qu’aurait pu faire le JRC, vous n’avez pas eu envie de lui donner ce mandat ?
Réponse de Janez Potočnik : « Je dois préciser que j’étais responsable du centre de recherche pendant le premier mandat ou j’étais commissaire en charge de la science et de la recherche, et normalement j’ai tendance à penser que lorsque vous êtes commissaire en charge vous êtes au courant des détails et de toutes les politiques ; mais vous devez également voir comment la recherche évolue dans les autres domaines : l’agriculture, le secteur de l’énergie, …même si bien sur tout cela m’intéressait. Le travail du centre commun de recherche a commencé en 2004 avec des tests PEMS sur les poids lourds. Ils ont continué en 2007 et leurs résultats ont été publiés au début de mon mandat. »
CRAB « J’aimerais que vous répondiez juste à ma question qui est : quand vous avez vu l’écart de 400 à 500 fois dans cette enquête JRC, pourquoi ne pas avoir demandé d’où venait un tel écart entre le laboratoire et les tests en conditions réelles. Avez-vous demandé au JRC de travailler sur les raisons de cet écart ? »
Réponse de Janez Potočnik : « L’explication apportée par le JRC pour expliquer l’écart était satisfaisante. Je peux vous relire la déclaration du centre de recherche. Nous étions en train de comprendre, mais pas complétement, la raison pour laquelle il y avait cet écart. A l’époque, personne ne demandait au centre de recherche de creuser la question des dispositifs truqués parce que ce n’était pas à l’ordre du jour. C’est la raison pour laquelle si nous retirons les problèmes liés à la clarification de la législation sur les dispositifs de tests et tout ce dont j’ai fait la liste tout à l’heure, ce serait une bonne manière de résoudre ces problèmes. »
Audition d’A Tajani, Commissaire à l’Industrie (2004-2010)
CRAB « Je reviens à la question posée par mon collègue Ismael Ertug, est-ce que vous pouvez très rapidement nous dire la différence que vous trouvez entre cycle beating et defeat device s’il-vous-plaît ? »
Réponse d’Antonio Tajani : « Le defeat device est l’instrument qui permet d’effectuer une fraude. Le cycle beating est un système qui permet la fraude mais le defeat device c’est autre chose, c’est un instrument qui peut être utilisé pour accomplir la fraude. Ce qu’a fait Volkswagen c’est une fraude, qui a caché la réalité en utilisant un système qui peut parfois être licite. »
CRAB « Pourquoi n’avez-vous pas mandaté le JRC, durant votre mandat, pour vous assurer pourquoi il y avait un tel écart de 400% entre les tests en laboratoire et les tests en conditions réelles ? »
Réponse d’Antonio Tajani : « Le JRC a travaillé sur ces questions. D’abord il y a eu une étude mandatée par mon prédécesseur pour vérifier les écarts entre émissions des tests en laboratoire et des tests sur route, ensuite j’ai donné mandat au JRC pour trouver le meilleur instrument sur la base de nos travaux afin d’empêcher ces écarts. »
CRAB « Mais pourquoi ne pas avoir mandaté le JRC pour chercher précisément pourquoi il y avait un tel écart entre les tests en laboratoire et les tests en conditions réelles, pas pour améliorer mais pour respecter la norme ; est-ce-que vous avez donné ce mandat au JRC ? »
Réponse d’Antonio Tajani : « Le JRC est un centre scientifique de la Commission européenne qui doit effectuer un travail scientifique pour nous dire comment éliminer ces écarts et quel est le meilleur système pour éviter les écarts, tout en utilisant les travaux du groupe nommé par la Commission européenne et le groupe de travail CARS 21, en reprenant l’ensemble de ces travaux et en examinant quatre systèmes différents, ils devaient nous indiquer quel était le meilleur moyen pour réduire ces écarts et pour lutter contre les defeat devices. »
CRAB « Ça ne vous intéressait pas de savoir comment on pouvait contourner la loi européenne ? »
Réponse d’Antonio Tajani : « Les systèmes étaient liés à l’utilisation des pneus, de la vitesse, de l’air conditionnée, il y avait un certain nombre de critères. Moi, ce que je voulais savoir en tant que législateur, car je ne suis pas chercheur scientifique, c’est comment éliminer les causes de ces écarts et le JRC devait nous expliquer quel était le meilleur système et ils nous ont dit que c’était le système d’émissions en conditions réelles. »
Les eurodéputés socialistes et radicaux ont condamné, dès vendredi dernier, le recrutement de M. Barroso comme président non-exécutif des activités internationales de Goldman Sachs (http://www.deputes-socialistes.eu/de-quoi-barroso-est-il-le-nom/). M Barroso sera également conseiller auprès du groupe bancaire, notamment en charge du Brexit. Nous appelons Goldman Sachs à renoncer à cette embauche.
Parce qu’un tel recrutement est indécent, indigne et honteux, la délégation socialiste française au Parlement européen va entreprendre toutes les démarches pour le rendre impossible.
D’abord, il s’agit d’une violation claire et manifeste de l’article 245 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et du serment fait par M. Barroso le 3 mai 2010. Nous demandons ainsi la déchéance du droit à pension de M. Barroso ainsi que des autres avantages en tenant lieu. M. Barroso a déjà coûté trop cher à l’Europe.
Ensuite, nous demandons une révision du code de conduite pour porter à une législature – 5 ans – les règles anti-pantouflage, qui,à ce jour, ne courent que pendant les 18 mois suivant la fin du mandat des commissaires.
Enfin, si ce recrutement devait malgré tout se concrétiser, nous exigeons une traçabilité intégrale d’absolument tous les contacts entre M. Barroso et ses équipes avec des membres, des fonctionnaires et des représentants de la Commission européenne, du Parlement européen, et du Conseil. Au premier manquement, des sanctions – comme le boycott de Goldman Sachs par les Etats membres – devraient être envisagées.
En conclusion, nous lançons un avertissement à Goldman Sachs : l’objectif affiché par ce recrutement est de contourner la perte du« passeport européen » pour les banques situées au Royaume-Uni suite au Brexit. Goldman Sachs peut bien dépenser des milliards en lobbying comme Philip Morris : pour qu’une banque basée au Royaume-Uni puisse exercer son métier dans les différents pays de l’Union après le Brexit, elle devra respecter l’ensemble de la législation européenne en matière bancaire, et à la seule condition que son pays paye pour un tel accès au marché européen. Le Parlement européen ne devrait accepter aucune autre formule.