Mardi 17 avril, j’ai reçu au Parlement européen à Strasbourg un groupe de jeunes de l’Ecole de la deuxième chance de Ris-Orangis dans l’Essonne.
Les écoles de la 2e chance sont issues des principes contenus dans le Livre Blanc Enseigner et apprendre – Vers la société cognitive présenté en 1995 à l’initiative d’Édith Cresson, alors Commissaire Européen chargée de la Science, de la Recherche et du Développement. L’e2c Essonne inscrit son action dans l’esprit et la lignée des opérations similaires conduites au sein du réseau européen des écoles de la 2e chance présent dans 11 états membres de l’Union Européenne. L’e2c destine son action aux jeunes adultes, ayant dépassé l’âge de la scolarité obligatoire, sortis du système scolaire sans diplôme ni qualification et rencontrant, de ce fait, de grandes difficultés d’insertion aussi bien sociale que professionnelle. L’objectif et les méthodes d’intervention proposées visent à développer chez les jeunes concernés la motivation, les capacités d’apprendre à apprendre, les connaissances de base et les aptitudes sociales en aidant chacun d’eux à identifier, à construire et à valider leur propre projet d’insertion sociale et professionnelle.
En venant visiter le Parlement européen, ils ont voulu approfondir leurs connaissances des institutions européennes. Ils ont eu l’occasion de visiter le Parlementarium (musée du Parlement européen) et ils ont assisté à un débat en plénière sur les migrations en Europe. Enfin, j’ai eu le plaisir de les rencontrer autour d’un échange ou je me suis prêtée au jeu des questions/réponses.
Lors de notre entretien, j’ai rappelé les commissions dans lesquelles je siège : Transports et Tourisme, ou je m’attache à défendre les droits des travailleurs et à lutter contre la pollution dans les transports ; également la commission des Libertés civiles, Asile et immigration, ou je travaille sur l’accueil des réfugiés et la lutte contre les violences faites aux femmes.
Dans un premier temps, nous avons échangé sur la coopération entre la France et l’Allemagne, véritable pilier de la construction européenne à la fin de la seconde guerre mondiale. Même si l’Europe s’est d’abord construite sur des échanges économiques forte mais nous devons renforcer notre travail sur les questions sociales. Des questions essentielles que nous devons traiter avec l’ensemble des Etats-membres car l’Europe c’est 500 millions d’Européens.
Nous avons également abordé le Brexit et la sortie du Royaume-Uni de l’Europe. J’ai rappelé à ce titre que l’Union européenne continuera de fonctionner avec les 27 Etats qui la constitueront à l’avenir et qu’elle aura les mêmes règles de fonctionnement ; à ce moment-là le Royaume-Uni aura certainement le même statut que les autres pays étrangers. Beaucoup de questions m’ont été posées, comme la nature des relations entre l’Europe et l’Afrique. Je suis dans le groupe parlementaire des relations avec l’Afrique du Sud et j’ai rappelé que les relations d’amitiés qui existent entre les deux continents devraient être renforcées. Nous devons aller plus loin que de simples accords économiques et je pense que l’Europe ne s’en donne pas assez les moyens. Par ailleurs, l’Europe n’a pas encore assez de pouvoir face à ses Etats-membres pour peser dans les relations avec les autres puissances étrangères. A ce sujet, j’ai évoqué la question de la défense européenne, un point sur lequel nous avons encore beaucoup à faire. Aujourd’hui, l’Union européenne n’intervient dans aucun conflit, elle n’en a pas les compétences ; elle ne siège pas au conseil de sécurité de l’ONU.
C’est avec un grand plaisir que j’ai échangé avec des jeunes ambassadeurs français de l’organisation ONE qui agissent pour sensibiliser les décideurs politiques aux financements de l’aide publique au développement pour lutter contre la pauvreté et toute les formes d’exclusions sociales dans le monde entier et plus particulièrement en Afrique. Nous avons débattu du budget européen et de la position du Parlement européen pour revoir à la hausse l’enveloppe allouée à la coopération au développement. J’ai encouragé aussi ces jeunes ambassadeurs français à s’investir aussi auprès des parlementaires nationaux pour que les gouvernements tiennent leurs engagements en faveur de l’aide publique au développement.
Les députés européens, rassemblés en plénière à Strasbourg, ont débattu lundi 11 septembre de mon rapport pour l’adhésion de l’Union européenne à la Convention d’Istanbul.
L’urgence à agir est réelle : une femme sur trois a subi des violences sexuelles ou physiques en Europe et en France, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son partenaire. C’est insupportable.
En tant que Co-Rapporteure, je suis intervenue avec un message principal : toutes les femmes où qu’elles vivent en Europe doivent être protégées contre toutes les formes de violence. J’entends la violence domestique, le harcèlement sexuel, le viol, les mutilations sexuelles féminines, le refus d’un avortement sûr et légal et les grossesses forcées qui en résultent. Refuser à une femme la maitrise de son corps est une violence extrême.
L’adhésion de l’Union à la Convention d’Istanbul est une étape fondamentale mais le combat est encore long ; ce n’est qu’une première étape.
Je dénonce vivement les propos des eurodéputés d’extrême-droite lors de ce débat qui se prononcent contre l’adhésion de l’Union à la Convention. Ils ont tort de prétendre que l’Union n’est pas compétente sur ce sujet car la Convention d’Istanbul est un accord mixte et permet l’adhésion de l’Union parallèlement à celle de ses États membres.
Pire, ils véhiculent des messages sexistes et font des amalgames intolérables sur les migrants, accusés des pires violences contre les femmes. Je leur dis clairement : l’instrumentalisation d’une religion est scandaleuse et nous éloigne des causes réelles de ce fléau. L’extrême-droite montre son vrai visage en s’opposant à un rapport fondamental pour la protection de toutes les femmes en Europe.
Voici le texte de ma première intervention
« Merci Madame la Présidente, Madame la Commissaire, mesdames et messieurs
Les violences à l’encontre des femmes et la violence domestique sont des fléaux qui sévissent dans toute l’Europe et il faut agir en urgence. Une femme sur trois a subi au moins une forme de violence physique et sexuelle depuis l’âge de 15 ans, une femme sur vingt a été violée.
Derrière ces nombres, il y a des drames, des tragédies, qui ont fait voler en éclats la vie de nombreuses femmes et de leurs enfants.
Laissez-moi vous relater une histoire vraie. Une jeune femme de 35 ans, soutenue par l’association SOS femmes de son département pendant plusieurs années, a déposé une plainte contre son compagnon pour menace de mort en novembre 2015. La plainte a été classée sans suite. Puis, alors qu’elle avait entamé une procédure de divorce, elle a été tuée en novembre 2016 par son compagnon qui l’a poignardée de 24 coups de couteau. Leur ainée de 11 ans, présent lors du meurtre, a tenté de s’interposer pour protéger sa mère et a été blessé.
Voilà une des réalités des violences fondées sur le genre. Et quand cette violence menace la moitié de notre population, nous devons tous prendre nos responsabilités et c’est ce que l’Union européenne fait par l’adhésion à la Convention d’Istanbul. C’est un engagement fort pour protéger les femmes, partout où elles vivent en Europe.
La Convention d’Istanbul est le premier instrument international juridiquement contraignant sur les violences faites aux femmes. La Convention poursuit une approche globale qui conjugue prévention des violences, protection des victimes et poursuites des responsables. Pour éradiquer la violence contre les femmes, il ne s’agit pas seulement de combattre la violence en elle-même, mais il faut également un changement profond des mentalités et de notre société.
Cette violence s’enracine dans un cadre plus large des discriminations et des inégalités persistantes entre les hommes et les femmes. Encore aujourd’hui, les femmes :
sont toujours confrontées au sexisme, dans la sphère privée et professionnelle
sont plus touchées par la précarité et gagnent moins que les hommes
sont moins représentées dans les instances politiques et dans les exécutifs des entreprises.
Et les médias ou les publicités qui continuent de véhiculer des stéréotypes et des images dégradantes.
Ce sont ces racines profondes, très ancrées dans nos sociétés, que nous devons combattre.
Il n’y a aucun fatalisme de ma part dans ces propos mais mettre des mots sur ces violences et discriminations et prendre conscience de l’ampleur du phénomène est une première étape indispensable.
Nous pouvons agir. Je pense à l’éducation, principal vecteur de changement dans une société. Dès le plus jeune âge, les filles et les garçons doivent être éduqués à l’égalité des sexes et au respect de la dignité et des droits fondamentaux de chacun. Seule l’éducation peut durablement instaurer des nouveaux comportements plus justes.
Je voudrais ajouter que ce rapport indique clairement que le refus d’un avortement sûr et légal est une violence envers les femmes. Je ne suis pas la seule à le dire. La « Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes » de l’ONU a affirmé récemment que le refus d’un avortement sûr est une forme de violence basée sur le genre et peut même, dans certains cas, s’apparenter à de la torture.
Le Parlement ne cesse de s’élever contre les initiatives réactionnaires et répressives de certains gouvernements qui portent atteinte au droit à disposer de son corps. Si certains pensent qu’ils peuvent décider à la place d’une femme, ils ont torts.
Nous faisons ici honneur à la lutte exemplaire de milliers de femmes européennes, qu’elles soient espagnoles en 2014 ou polonaises en 2016. Je les félicite encore une fois pour leur courage et leur engagement. C’est un message d’espoir : la mobilisation citoyenne peut faire plier les gouvernements les plus conservateurs et les projets de loi les plus régressifs et dégradants.
Je suis fière d’avoir porté ce rapport si important contre les violences faites aux femmes ; la moitié de l’humanité je le rappelle. Je remercie chaleureusement la co-rapporteure, Mme Corazza-Bildt, ainsi que tous les rapporteurs fictifs qui ont fait un travail admirable sur ce dossier.
Ce n’est qu’une première étape et il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Je serai particulièrement attentive à la mise en oeuvre de la Convention car c’est le réel enjeu. Il faut les moyens financiers et humains nécessaires pour que ces mesures aient un impact sur la vie des femmes. Aussi, j’en appelle à la Commission européenne pour qu’elle présente une stratégie européenne globale, avec un acte législatif, sur la prévention et la lutte contre les violences envers les femmes.
Il est urgent de ne pas attendre. Toutes les femmes d’Europe ont le droit absolu de vivre sans violence »
« Tout d’abord, mes premiers remercient iront à Anna-Maria Corazza-Bildt pour cette coopération réussie. Il était extrêmement utile que nos deux commissions FEMM et LIBE s’associent pour l’aboutissement de ce rapport exigent.
Je remercie également l’ensemble des rapporteurs fictifs pour leur travail. Nous avons, à nous tous, aboutit à un texte ambitieux et à la hauteur de l’enjeu. C’est un dossier fondamental, qui aura un impact direct sur la vie de millions de femmes, la moitié de notre population. Et dans ce climat de défiance, ce rapport prouve que l’Union protège ses citoyens.
Et je vous remercie également vous, madame la Commissaire, pour votre engagement robuste et clair et je demande aussi à l’Estonie d’accélérer la ratification de la convention d’Istanbul par l’Union sous sa présidence.
Mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Et à commencer par le postulat que rien n’excuse les violences faites aux femmes et utiliser telle ou telle religion pour détourner l’attention des causes réelles de ce fléau est tout simplement scandaleux.
L’engagement de l’Union européenne dans cette Convention d’Istanbul est une valeur ajoutée indéniable et doit jouer un rôle de coordination essentiel. L’égalité entre les femmes et les hommes et le respect de l’état de droit font partie de nos principes fondamentaux.
Le combat va continuer à tous les niveaux et cela a été dit par beaucoup d’intervenants. Il est très important que l’ensemble des Etats de l’Union ratifient cette Convention.
Et au-delà, et je le redis encore, je suis convaincue qu’un acte législatif sur la prévention et la lutte contre les violences envers les femmes est la prochaine étape incontournable. Une directive fournirait des définitions communes au niveau européen des crimes perpétrés envers les femmes, permettrait de renforcer la mise en application de la Convention et de traduire en mesures concrètes ses dispositions qui relèvent des compétences de l’Union.