Ce mardi 27 novembre, j’ai participé à une réunion sur la Convention d’Istanbul en présence de la Présidence autrichienne du Conseil, de la Commission européenne, du Conseil de l’Europe et de mes collègues parlementaires. Cette réunion tenue à huis-clos avait pour but de faire un point étape sur l’adhésion de l’Union européenne à ce traité international contre les violences faites aux femmes ; elle a surtout été l’occasion d’une mise au point nécessaire. En tant que Co-Rapporteure pour le Parlement européen sur ce dossier, j’ai exhorté le Conseil des Etats membres à arrêter de se cacher derrière des excuses politiques et des arguments juridiques fallacieux pour retarder la ratification de l’Union. Toutes ces manigances sont indignes. Je ne nie pas les blocages politiques auxquels nous faisons face lorsque l’on légifère sur les droits des femmes mais il faut avoir le courage de les dépasser, contre l’avis de ces quelques gouvernements réactionnaires tels que la Hongrie ou la Pologne. Cette minorité rétrograde ne doit, en aucun cas, dicter la politique de l’Union en matière de lutte contre les violences faites aux femmes.
Si la ratification de l’Union n’est pas entérinée avant la fin de cette mandature, le Parlement prendra les mesures nécessaires, jusqu’à’ la saisie de la Cour de justice de l’UE s’il le faut. Nous devons aux femmes et aux filles européennes un meilleur avenir que celui qu’on leur propose actuellement.
Le verbatim de mon intervention :
Merci Madame la Présidente. Et merci d’avoir convoqué cette réunion à huit clos. Mme Corrazza-Bildt n’a pas pu venir mais je peux vous assurer que le Parlement européen parle d’une seule voix en la matière.
Nous avons une impression de gâchis sur ce dossier, un gâchis car l’Union européenne passe à côté d’un traité international majeur et reconnu comme l’instrument juridique le plus efficace pour lutter contre les violences faites aux femmes. Ne pas ratifier la Convention d’Istanbul, c’est échouer à protéger les femmes confrontées à la violence et cela sans aucune raison valable. Car je vais être claire : depuis la signature de l’Union européenne en juin 2017, peu de choses ont été accomplies et le Conseil traîne des pieds. Nous avons perdu notre temps à discuter d’excuses et d’arguments juridiques non fondés qui dissimulent un manque criant de volonté politique en matière de droits des femmes.
Déjà lors de la signature, nous avions douté du choix du Conseil de séparer la signature en deux documents et nos doutes ont été confirmés par notre service juridique : le Conseil a limité la signature sans motifs valables avec le risque d’affaiblir considérablement la portée de la convention d’Istanbul. Mais l’urgence à agir est telle que nous n’avons pas souhaité bloquer le processus, car tout comme la Commission, nous aurions pu saisir la Cour de justice de l’Union européenne pour lui demander des clarifications sur les compétences. Je rappelle que chaque semaine en Europe, 50 femmes meurent des suites de violences domestiques. Malgré ce chiffre, les États membres ne semblent pas comprendre l’importance de la question et la nécessité de prendre des mesures.
La réalité est que la Convention d’Istanbul n’est pas une priorité politique et je m’inquiète de la lenteur des négociations car le climat se détériore jour après jour, d’où la nécessité d’entériner la ratification de l’Union le plus vite possible. Désormais la Hongrie, la Pologne ou la Slovaquie se déclarent ouvertement contre et la cour bulgare déclare la Convention d’Istanbul anti-constitutionnelle ; décision qui m’a atterrée. J’ai mentionné des excuses et des faux arguments mais je reviens aussi sur la campagne de désinformation à laquelle nous faisons face autour du mot « genre ». On nous accuse de diffuser une idéologie cachée, de nier les différences biologiques entre les sexes, de remettre en cause la famille traditionnelle. Je regrette la proposition de la Présidence autrichienne d’en arriver à mettre une réserve sur l’article 50 concernant la définition du genre!
Je vais conclure en vous demandant, tout simplement, de rendre possible cette ratification. Ayez le courage de procéder au vote au sein du Conseil et à la majorité qualifiée ! Les pays récalcitrants sont certes bruyants mais ils ne sont actuellement pas majoritaires ! Je ne conçois pas que nous allons devoir, à nouveau, rencontrer une Présidence du Conseil sur un dossier qui me semble pourtant évident et consensuel, avec pour seul but d’éliminer la violence à l’égard des femmes. Nous devons aux femmes et filles vivant en Europe un meilleur avenir que celui qu’on leur propose actuellement.
Au Parlement européen, nous avons travaillé avec sérieux et célérité parce que cette Convention nous oblige, nous continuerons à le faire pour l’étape de Ratification en commission puis en plénière, alors Monsieur l’Ambassadeur, ayez le courage de proposer cette ratification à la majorité qualifiée.