Asile et immigration : durcissement de la loi par le Sénat

Communiqué de la Délégation socialiste française

Le Sénat a adopté son projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie le 26 juin 2018 par 197 sénateurs contre 139.

Nous, eurodéputés socialistes et radicaux, avions déjà vivement dénoncé le projet de loi voté par l’Assemblée nationale qui était déséquilibré et constituait un recul inédit en matière de droits. C’était sans compter qu’un texte plus répressif encore était possible. Le Sénat, dominé par les Républicains, aujourd’hui l’a démontré.

Nous dénonçons la suppression de l’extension de la réunification familiale aux frères et sœurs d’un mineur réfugié en France, par laquelle le Sénat remet en cause le principe de l’unité familiale inscrit dans la Convention de Genève. Le rapporteur Jean-Noël Buffet aurait même souhaité que les femmes mariées victimes de violences conjugales perdent leurs titres de séjour si elles quittaient leurs conjoints violents. Heureusement, cette mesure scandaleuse n’a pas été adoptée par l’ensemble des sénateurs.

Il est également révoltant de remplacer l’aide médicale d’Etat par une aide médicale d’urgence, limitée aux seules urgences et maladies graves ou contagieuses, mesure qui figurait dans le programme de Marine Le Pen et de François Fillon. Enfin, alors que les débats font rage autour du délit de solidarité, le Sénat est revenu sur la seule avancée de l’Assemblée nationale en la matière. Pour les membres de la délégation socialiste et radicale de gauche au Parlement européen, c’est une occasion manquée de distinguer les passeurs des citoyens engagés en faveur de la dignité humaine. Cette même question fait l’objet d’une Résolution en cours au Parlement européen où cette distinction est clairement défendue par les Sociaux-démocrates.

Nous saluons le travail des sénateurs socialistes qui ont tenté de rééquilibrer la mouture du texte. Ils ont permis, par exemple, que le titre de séjour soit octroyé aux personnes protégées dans un délai d’un moins après l’obtention de la protection, permettant ainsi de réduire attente et précarité. La réduction des délais, tant prônée par le gouvernement, ne peut peser exclusivement sur les demandeurs d’asile.

Nous n’avons guère d’espoir sur le résultat de la Commission Mixte Paritaire du 4 juillet prochain entre un texte répressif et inutile et un texte ultra-répressif et d’autant plus dangereux.

Vers la fin du droit d’asile en France

Communiqué de la Délégation socialiste française

Avec le projet de loi « pour un droit d’asile garanti et une immigration maitrisée » présenté en Conseil des ministres, le gouvernement propose des dispositions que la droite n’avait pas osé mettre en œuvre en son temps.

Ce texte comporte certes quelques avancées. Comment ne pas être en faveur d’un titre de séjour plus long pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire et les apatrides ? Comment ne pas se féliciter d’une réunification familiale étendue aux frères et sœurs des réfugiés ? Mais quelques avancées ne suffisent pas à masquer le reste des mesures d’un projet de loi déséquilibré et inutile.

Sans pouvoir être exhaustifs, nous dénonçons par exemple l’augmentation de la rétention des migrants de 45 jours à 105 jours même en cas de doutes sur la minorité ; tous les acteurs savent que la durée réelle de rétention est de moins de 15 jours. La réduction de 30 à 15 jours du délai de saisine de la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA) pour effectuer des recours va contrevenir à leur examen circonstancié. La création d’un délit de franchissement non-autorisé des frontières, sanctionné d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende, va rendre encore plus invisibles et mettre encore plus en danger ceux qui cherchent à atteindre le territoire français, en quête de sécurité.

En tant qu’eurodéputés socialistes et radicaux, nous nous interrogeons sur l’opportunité d’un tel projet de loi au plan national alors que la réforme du régime d’asile européen commun est en cours de discussion au sein des institutions européennes. De nombreuses dispositions découlent justement de ces textes, ce que le Ministre de l’Intérieur saurait s’il venait à Bruxelles. Et c’est une fois la réforme européenne adoptée qu’il faudra modifier si nécessaire et en conséquence la loi française, sans anticiper tels des apprentis sorciers.

Nous sommes d’autant plus surpris que cette vision du gouvernement est en totale contradiction avec les propositions européennes sur ces sujets et alors même qu’Emmanuel Macron se définit comme pro-européen ! Comme quoi, ce seul vecteur de distinction ne suffit pas à donner de la dimension à une politique. Le Parlement européen s’est en effet prononcé, lors du vote du texte sur la réforme de l’asile en novembre 2017, pour un régime d’asile européen basé sur la solidarité entre les Etats membres. Nous demandons la fin du critère de pays de première entrée pour le dépôt de la demande d’asile, ce que les Etats membres refusent catégoriquement.

Ce projet de loi ne vise qu’aux exclusions, qu’aux expulsions et qu’à la précarisation. Il faut que le gouvernement assume ses choix : le droit d’asile ne sera pas garanti pour tous. Le Parlement français est devant un choix sans précédent dans la patrie des Droits de l’Homme.

La Commission LIBE a voté une révision de la carte bleue européenne le jeudi 15 juin

La carte bleue européenne est un dispositif qui établit les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers hautement qualifiés souhaitant occuper un emploi au sein de l’Union. Ce dispositif est malheureusement utilisé de façon très limitée par les États membres.

Je suis satisfaite par ce vote ainsi que par l’adoption de mes amendements par mes collègues de LIBE.

Je souhaite que les ressortissants de pays tiers profitent du réseau européen des services de l’emploi (EURES), afin d’accéder à l’ensemble des offres d’emploi en Europe. C’est un appel de bon sens : pour bénéficier d’une carte bleue européenne, encore faut-il avoir trouvé un emploi. Je souhaite également la création d’un dispositif de migration légale pour les travailleurs non-qualifiés. L’Europe est face à un défi démographique majeur avec le vieillissement de la population et nos besoins de main d’oeuvre vont évoluer. Il faut cibler tout type de compétence dans les secteurs où il manquerait de la main-d’œuvre, et où les ressortissants européens ne répondraient pas à l’appel.

La révision du texte doit désormais être validée par l’ensemble des députés européens, lors d’une session plénière à Strasbourg.

 

 

 

Révision de la carte bleue : il faut revoir les conditions d’accès aux visas pour travail au sein de l’UE

Lors de la commission LIBE du 23 mars, nous avons débattu et examiné les amendements déposés sur la proposition de réforme de la carte bleue européenne.

La carte bleue  européenne est un dispositif qui établit les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers hautement qualifiés qui souhaitent occuper un emploi au sein de l’Union. Cet outil, destiné à la base au renforcement de la compétitivité européenne, est aujourd’hui utilisé de façon très limitée par les États membres.

Dans le cadre de cette révision, j’ai exposé à mes collègues les deux amendements que j’ai déposés. Mon premier amendement doit permettre aux ressortissants de pays tiers de profiter du réseau européen des services de l’emploi (EURES), afin d’accéder à l’ensemble des offres d’emploi en Europe. Il faut agir dans le bon sens : pour bénéficier d’une carte bleue européenne, encore faut-il avoir trouvé un emploi.

Mon second amendement est essentiel car il ouvre la réflexion sur nos besoins de main d’oeuvre en Europe alors que nous sommes face à un défi démographique majeur avec le vieillissement de la population. Afin de répondre pleinement aux besoins du marché du travail européen, nous devons cibler tout type de compétence dans les secteurs où il manquerait de la main-d’œuvre, et où les ressortissants européens ne répondraient pas à l’appel. Le dispositif ne doit pas se limiter aux travailleurs hautement qualifiés.

« Merci monsieur le Président. Je voudrais d’abord vous remercier pour ce travail sur ce dossier si important. Je partage sa philosophie : la révision de la Directive doit être une opportunité pour renforcer les voies d’accès légales et sûres en Europe. L’objectif est clair : il faut rendre cette carte bleue européenne plus attractive et dans tous nos États membres.

Je voulais insister sur deux amendements que j’ai déposés.

L’amendement 148 porte sur la nécessité d’élargir l’accès au réseau européen des services de l’emploi (EURES) aux ressortissants des pays tiers. EURES regroupe l’ensemble des offres d’emploi en Europe et apporte l’aide et le soutien nécessaires. L’attractivité de la carte bleue dépend, surtout, de la capacité des ressortissants de pays tiers à trouver facilement un emploi en Europe. Nous devons intervenir sur l’ensemble de la chaine: de la recherche d’emploi qui doit être facilitée à l’installation en Europe.

L’amendement 151 porte sur l’élargissement de la carte bleue européenne à l’ensemble des travailleurs. Le dispositif restera insuffisant tant que seront visés uniquement les travailleurs hautement qualifiés. Nous devons utiliser cette révision pour inclure tous les travailleurs, avec tout type de compétence dans les secteurs où il manquerait de la main-d’œuvre, et où les ressortissants européens ne répondraient pas à l’appel. Ce n’est pas qu’une simple question économique, c’est aussi une réponse au défi démographique que nous connaissons, alors que nous observons le vieillissement de la population. L’Europe a et aura toujours plus besoin de main d’oeuvre. Mon amendement est donc un appel à la Commission européenne pour qu’elle propose un système équivalent à la carte bleue européenne à tous les travailleurs dont l’Europe a urgemment besoin. »

Nicolas Sarkozy propose de refonder l’Europe pour mieux la détruire

Voici la tribune que Sylvie Guillaume et moi avons publiée sur le HuffingtonPost

Dans l’interview qu’il a donnée au Monde mardi 17 mai, Nicolas Sarkozy appelle à « refonder profondément le projet européen »… pour mieux le détruire de l’intérieur. Ses propositions pour un nouveau traité « dès l’été 2017 » sont autant de synonymes de régression vers le nationalisme et de repli sur soi. Elles ne représentent en aucun cas une solution pour remettre l’Union européenne en mouvement face aux défis qu’elle doit aujourd’hui relever.

Si le Président du parti Les Républicains affirme souhaiter « poser les bases d’un Schengen 2 », il ne précise pas pour autant les contours de ce nouveau projet.

La droite confond les migrations avec un prétendu « tourisme social »

Comme d’habitude, la démagogie prime sur la pédagogie. Certes, il appelle à une politique migratoire commune, dont personne ne pourra nier aujourd’hui l’urgente nécessité. Toutefois, la solution préconisée a des airs de déjà vu: l’éternelle rengaine autour des prestations sociales accordées aux étrangers. Encore et toujours, la droite confond les migrations avec un prétendu « tourisme social », qui stigmatise les étrangers et dont l’existence n’a pourtant pas été démontrée. Mais peu importe cette réalité pour les démagogues. Ils savent bien qu’il est toujours électoralement payant de faire de cet Autre un profiteur de la générosité publique. La peur et le repli sur soi sont de mauvais conseils et nous éloignent d’une solution commune et coordonnée.

Toujours en matière de politique migratoire, Nicolas Sarkozy n’en finit pas d’agiter les chiffons rouges: il propose d’installer des « hotspots » au sud de la Méditerranée. Là encore, les prétendues recettes miracles proposées ne sont pas nouvelles. Personne ne contestera la nécessité d’un renforcement de la coopération de l’UE avec les pays tiers sur les questions migratoires, pas plus que l’urgence à trouver des solutions pour gérer la crise actuelle de manière plus efficace. Mais Nicolas Sarkozy propose ni plus ni moins que de délocaliser et sous-traiter les politiques migratoires hors d’Europe. Selon lui, cette externalisation se ferait au prix d’une équation simple: sans hotspots, point de visa! Ce marchandage indigne ne résoudrait en rien les dysfonctionnements de la politique européenne d’asile et l’absence de solidarité entre ses membres sur ces questions.

28 égoïsmes nationaux ne feront pas avancer l’Europe

Plus encore, il ose prétendre que la Hongrie et la Pologne « sont des démocraties qui fonctionnent », alors que les dirigeants de ces pays bafouent les valeurs européennes! En Hongrie, le mépris délibéré de nos valeurs va de l’autorisation donnée à l’armée d’ouvrir le feu sur les réfugiés à l’intention de rétablir la peine de mort. Viktor Orbán y détricote les libertés et droits fondamentaux, le racisme, la xénophobie et l’homophobie font rage. Mais si M. Sarkozy préfère fermer les yeux, c’est certainement parce que la droite européenne continue d’apporter son soutien au Fidesz de M. Orbán… Accepter les apprentis dictateurs fait le jeu de l’extrême-droite et mine la démocratie partout en Europe.

L’Union européenne ne pourra avancer si elle se cantonne à une addition de 28 égoïsmes nationaux. Au contraire, nous avons besoin d’une action européenne commune, claire et coordonnée. La gestion des frontières extérieures de l’Union doit devenir une responsabilité européenne, afin de revenir à l’intégrité de l’espace Schengen, l’un de nos plus grands acquis, qui fait vivre l’Europe des libertés, de la mobilité et des échanges interculturels.

Oui, il faut refonder l’Europe et adopter un nouveau traité

Oui, il faut refonder l’Europe et adopter un nouveau traité. Pas pour renforcer la souveraineté des États, mais pour renforcer la souveraineté européenne. Pour que les citoyens et résidents européens puissent avoir confiance en l’Union, celle-ci doit être ferme dans le respect de ses valeurs fondamentales.

Pour cela, nous avons besoin d’un nouveau Pacte de l’état de droit, qui permettrait d’assurer en permanence le respect des droits fondamentaux des Européens et de sanctionner leurs violations. Ce n’est pas en tombant dans le piège d’une Europe forteresse que nous empêcherons des migrants et des réfugiés de vouloir rejoindre notre continent. Face aux discours fondés sur la peur et le rejet de l’autre, nous appelons à la mise en place d’un système européen d’asile commun, avec un mécanisme de relocalisation à l’échelle de l’Union, qui assurerait la solidarité et le partage des responsabilités entre les États membres. Quant aux migrations économiques, il est nécessaire de les réglementer dans un cadre européen comportant la création de voies légales. Elles ne sont pas un danger pour l’Union européenne et ses États membres; au contraire, elles représentent un atout pour nos économies et une chance pour l’avenir, d’autant plus face aux défis démographiques importants que nous connaissons.