Voici la tribune que Sylvie Guillaume et moi avons publiée sur le HuffingtonPost
Dans l’interview qu’il a donnée au Monde mardi 17 mai, Nicolas Sarkozy appelle à « refonder profondément le projet européen »… pour mieux le détruire de l’intérieur. Ses propositions pour un nouveau traité « dès l’été 2017 » sont autant de synonymes de régression vers le nationalisme et de repli sur soi. Elles ne représentent en aucun cas une solution pour remettre l’Union européenne en mouvement face aux défis qu’elle doit aujourd’hui relever.
Si le Président du parti Les Républicains affirme souhaiter « poser les bases d’un Schengen 2 », il ne précise pas pour autant les contours de ce nouveau projet.
La droite confond les migrations avec un prétendu « tourisme social »
Comme d’habitude, la démagogie prime sur la pédagogie. Certes, il appelle à une politique migratoire commune, dont personne ne pourra nier aujourd’hui l’urgente nécessité. Toutefois, la solution préconisée a des airs de déjà vu: l’éternelle rengaine autour des prestations sociales accordées aux étrangers. Encore et toujours, la droite confond les migrations avec un prétendu « tourisme social », qui stigmatise les étrangers et dont l’existence n’a pourtant pas été démontrée. Mais peu importe cette réalité pour les démagogues. Ils savent bien qu’il est toujours électoralement payant de faire de cet Autre un profiteur de la générosité publique. La peur et le repli sur soi sont de mauvais conseils et nous éloignent d’une solution commune et coordonnée.
Toujours en matière de politique migratoire, Nicolas Sarkozy n’en finit pas d’agiter les chiffons rouges: il propose d’installer des « hotspots » au sud de la Méditerranée. Là encore, les prétendues recettes miracles proposées ne sont pas nouvelles. Personne ne contestera la nécessité d’un renforcement de la coopération de l’UE avec les pays tiers sur les questions migratoires, pas plus que l’urgence à trouver des solutions pour gérer la crise actuelle de manière plus efficace. Mais Nicolas Sarkozy propose ni plus ni moins que de délocaliser et sous-traiter les politiques migratoires hors d’Europe. Selon lui, cette externalisation se ferait au prix d’une équation simple: sans hotspots, point de visa! Ce marchandage indigne ne résoudrait en rien les dysfonctionnements de la politique européenne d’asile et l’absence de solidarité entre ses membres sur ces questions.
28 égoïsmes nationaux ne feront pas avancer l’Europe
Plus encore, il ose prétendre que la Hongrie et la Pologne « sont des démocraties qui fonctionnent », alors que les dirigeants de ces pays bafouent les valeurs européennes! En Hongrie, le mépris délibéré de nos valeurs va de l’autorisation donnée à l’armée d’ouvrir le feu sur les réfugiés à l’intention de rétablir la peine de mort. Viktor Orbán y détricote les libertés et droits fondamentaux, le racisme, la xénophobie et l’homophobie font rage. Mais si M. Sarkozy préfère fermer les yeux, c’est certainement parce que la droite européenne continue d’apporter son soutien au Fidesz de M. Orbán… Accepter les apprentis dictateurs fait le jeu de l’extrême-droite et mine la démocratie partout en Europe.
L’Union européenne ne pourra avancer si elle se cantonne à une addition de 28 égoïsmes nationaux. Au contraire, nous avons besoin d’une action européenne commune, claire et coordonnée. La gestion des frontières extérieures de l’Union doit devenir une responsabilité européenne, afin de revenir à l’intégrité de l’espace Schengen, l’un de nos plus grands acquis, qui fait vivre l’Europe des libertés, de la mobilité et des échanges interculturels.
Oui, il faut refonder l’Europe et adopter un nouveau traité
Oui, il faut refonder l’Europe et adopter un nouveau traité. Pas pour renforcer la souveraineté des États, mais pour renforcer la souveraineté européenne. Pour que les citoyens et résidents européens puissent avoir confiance en l’Union, celle-ci doit être ferme dans le respect de ses valeurs fondamentales.
Pour cela, nous avons besoin d’un nouveau Pacte de l’état de droit, qui permettrait d’assurer en permanence le respect des droits fondamentaux des Européens et de sanctionner leurs violations. Ce n’est pas en tombant dans le piège d’une Europe forteresse que nous empêcherons des migrants et des réfugiés de vouloir rejoindre notre continent. Face aux discours fondés sur la peur et le rejet de l’autre, nous appelons à la mise en place d’un système européen d’asile commun, avec un mécanisme de relocalisation à l’échelle de l’Union, qui assurerait la solidarité et le partage des responsabilités entre les États membres. Quant aux migrations économiques, il est nécessaire de les réglementer dans un cadre européen comportant la création de voies légales. Elles ne sont pas un danger pour l’Union européenne et ses États membres; au contraire, elles représentent un atout pour nos économies et une chance pour l’avenir, d’autant plus face aux défis démographiques importants que nous connaissons.