Jeudi 3 mai je suis intervenue aux côtés de Christophe Bouillon, député de Seine-Maritime, chef de file socialiste sur le projet de loi sur la réforme ferroviaire à l’Assemblée nationale, lors d’un café-débat organisé par les sections socialistes du 11ème, 12ème et 20ème arrondissement de Paris. Ce fut l’occasion de revenir sur la réforme SNCF, les risques sous-jacents et les véritables intentions du gouvernement.
En propos introductifs Christophe Bouillon a rappelé les deux axes principaux que propose le texte : la dimension européenne implique la transposition du 4ème Paquet ferroviaire de 2016, un texte européen qui norme l’ouverture à la concurrence mais qui ne remet pas en cause le statut des cheminots, qui relève uniquement des Etats-membres ; et la demande de l’Europe de faire la différence entre le gestionnaire d’infrastructure et l’opérateur. A son sens, la loi proposée par le gouvernement, en faisant disparaitre le statut particulier des cheminots est une forme de préemption sur une prochaine privatisation. Le gouvernement a vocation à mener un combat politique, sinon il aurait fait une réforme sur la mobilité et sur les moyens de la développer. Sous prétexte de réduire la dette, le statut des cheminots est remis en cause, alors qu’ils n’impactent en rien sur la dette du pays.
Crédit photo : Mathieu Delmestre
Lors de mon intervention j’ai rappelé que le 4ème paquet ferroviaire avait pour origine la vision globale portée par Jacques Delors « se déplacer partout en Europe et en train » ; mais pour y parvenir il était essentiel de régler des questions techniques afin d’harmoniser les systèmes de transports. Dans le paquet ferroviaire il y deux axes à prendre en compte : les questions politiques et les questions techniques et de sécurités. Au sein du groupe des sociaux-démocrates au Parlement européen nous partageons la vision de Jacques Delors de faciliter les déplacements des européens, mais les forces politiques de droite considèrent d’abord et avant tout ce paquet comme une occasion de toujours plus libéraliser ce secteur économique en soutenant l’accès à la concurrence totale. Que ce soit sur le volet Gouvernance ou sur celui portant sur l’obligation de service public les socialistes et démocrates ont défendu le principe du maintien du service public du transport ferroviaire qui ne pouvait être remis en cause au prétexte d’une moindre rentabilité. Maintien des lignes et protection des droits des travailleurs étaient nos lignes rouges.
Sur la question des cheminots, il n’y a rien au niveau européen qui remette en cause ce statut spécifique. Les négociations pour la mise en place d’une convention collective pour tous les salariés du secteur ferroviaires avaient été engagées dans les gouvernements précédents par F. Cuvillier et A.Vidalies, alors ministres des transports. Les socialistes avaient bien avancé jusqu’en mai 2017, mais depuis l’arrivée d’E. Macron au pouvoir les négociations se sont grippées. Sur le statut de la SNCF, qui risque de se transformer en société anonyme, ce n’est pas une demande de l’Union européenne, au contraire recentrer les activités des infrastructures et de l’opérateur sont contraires aux dispositions européennes !
J’ai également insisté sur le fait que l’ouverture totale à la concurrence pour les lignes à grande vitesse telle qu’adoptée par la majorité de l’Assemblée nationale est un choix politique assumée par la majorité française et en aucun cas une disposition européenne. L’Etat peut et devrait privilégier l’obligation de service public garantie par les textes européens notamment pour les TGV afin de regrouper dans un contrat des lignes rentables et non rentables pour garantir la cohésion territoriale. SI le gouvernement fait le choix de l’ouverture selon le principe du « libre accès » pour tous les opérateurs privés ce sera un choix de politique libérale qui pourrait avoir de graves conséquences pour les services publics mais ce ne sera pas une décision imposée par Bruxelles. Au Royaume-Uni, tout le système est privatisé et les prix des billets sont très chers. En Suède, les usagers veulent revenir à un opérateur unique ; car avec plus de 20 opérateurs, ils n’ont aucune garantie sur les horaires, les correspondances ou encore les tarifs.
Plusieurs questions ont été posées sur la dimension écologique de l’utilisation du train plutôt que de la route, ce fut l’occasion de revenir sur mon rapport Euro-redevance, sur l’instauration des péages routiers partout en Europe. Un texte qui traite largement la question de l’environnement et de la lutte contre la pollution ; car en instaurant des péages à l’échelle européenne le transport de marchandises par le fret, qui pollue moins, sera plus compétitif. La question ferroviaire c’est d’abord et avant tout permettre aux personnes et aux marchandises de se déplacer mieux, plus loin et sans polluer, à des tarifs raisonnables.