Samedi 29 octobre, à l’invitation des collectifs Villejuif Sans Tafta, Stop Tafta et en collaboration avec le groupe local d’Attac, j’ai participé à un débat contradictoire sur le Tafta/TTIP et le CETA. L’objectif était de permettre aux citoyens de se faire leur propre jugement, loin des raccourcis médiatiques, sur ces accords de libre-échange qui font l’actualité européenne. Le débat fut riche en discussions et pour ne pas faire l’impasse sur les divergences d’appréciation que ces accords suscitent, je suis intervenue aux côtés de Partick Le Hyaric, député européen du Front de Gauche ; Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique et professeur à Sciences Po ; et Amélie Canonne, présidente de l’Association internationale de techniciens, experts et cadres et ancienne déléguée générale d’ATTAC. Jean-Marie Roux, président de l’association Villejuif Sans Tafta a ouvert les débats en rappelant que si les enjeux du Tafta, ses conséquences et ses risques potentiels, sont essentiels, il est aussi important d’aborder la question du CETA et les différences entre les deux accords.
Pour Amélie Canonne, les impacts du libre-échange sont difficiles à évaluer dans plusieurs domaines comme pour l’agriculture ou l’environnement. Elle a rappelé que les négociations du TAFTA et du CETA se sont organisées dans l’opacité la plus totale, ce qui a fait naître plus de 2000 collectifs dans toute l’Europe. Patrick Le Hayrac estime que ces traités ne profitent pas aux peuples mais aux multinationales, les richesses créées n’étant pas redistribuées. Dominique Reynié a quant à lui adopté un point de vue libéral. Favorable aux traités de libre échange, il estime qu’il faut attendre la prochaine administration américaine avant de pouvoir rouvrir le dialogue sur le TAFTA ; sur le CETA, il estime que « les discussions sont positives » mais qu’il faut rester vigilants sur les intérêts de l’Europe.
Pour ma part, j’approuve les propos du Premier ministre wallon selon lequel « avec le CETA amélioré, le TTIP(TAFTA) est mort et enterré ». Ces deux traités doivent être appréhendés de façon distincte.
Sur le Tafta, j’ai rappelé que la Délégation socialiste française avait voté contre le rapport soumis au Parlement en juillet 2015. Nous avions en effet posé certaines lignes rouges comme la question de l’arbitrage privé ou encore la protection des services publics. Je soutiens la position du gouvernement français d’arrêter les négociations avec les Etats-Unis.
Avant de relancer les négociations d’un traité de libre échange avec les Etats-Unis, il est indispensable l’Europe avance sur la mise en place d’une législation européenne régulant sérieusement de son marché intérieur. Oui il faut un « Buy European Act » et protéger nos emplois, nos industries, notre agriculture et nos services publics dans le respect des normes européennes que nous avons adoptées.
Négocier un traité bilatéral de libre échange introduit nécessairement un rapport de force. Or, l’Union européenne ne dispose pas encore d’outils suffisamment efficaces pour que nous puissions être en position de force face à des partenaires tels que les Etats-Unis, ou le Canada.
J’ai souligné le manque de transparence dans les négociations du TAFTA. Les députés européens ne participent en effet pas aux consultations alors qu’ils représentent les citoyens européens. Nous avons accès au texte des négociations mais de manière très restreinte (le texte en négociation est accessible dans une salle hermétique et fermée au Parlement européen, salle dans laquelle ne peuvent aller que les députés, sans avoir la possibilité de prendre des notes ou de faire de photocopies).
Sur le CETA, j’ai regretté la méthodologie du calendrier plaçant le Parlement européen en fin de chaîne de validation. C’est démocratiquement choquant.
Certes, il faut relever les avancées obtenues dans la négociation du CETA inclues dans la déclaration interprétative qui aura également une valeur contraignante ; à savoir, la mise en place d’une cour de justice de commerce internationale publique et la prescriptibilité de l’Accord de Paris. Mais l’absence de transparence et de participation du Parlement européen au processus de négociation entache sérieusement la légitimité de ce traité.

Lors de l’échange avec la salle, plusieurs questions furent posées sur les différences entre le TAFTA et le CETA. D’autres pour demander des explications quant aux négociations ainsi que sur les marges de manœuvre des institutions européennes et du Parlement européen. Les échanges ont également porté sur la nature des cours arbitrales privées au sein de l’ensemble des traités de libre échange (y compris le traité de libre-échange avec le Vietnam) et la proposition faite dans le CETA de cour de justice commerciale internationale publique. Enfin, une question a également été posée sur la place des collectivités territoriales dans les traités de libre échange
Malgré l’opacité des négociations, il faut se réjouir que les citoyens se soient saisis des débats sur le TTIP et le CETA. Je ne crois pas qu’il faille rejeter le principe d’accords internationaux ; cependant, il faut rester prudents et mettre les citoyens européens au cœur de ces traités. C’est pourquoi, au groupe Socialistes et démocrates, nous défendons le « juste échange », à savoir une politique commerciale ouverte mais régulée, respectueuse des droits sociaux, de la répartition des richesses et des normes environnementales.
La bataille doit avancer sur le « Buy European Act » pour offrir une vraie protection aux travailleurs. Enfin, il faudrait élargir les conditions de consultation des textes pour les parlementaires européens car le manque de confiance est crispant et ne nous aide pas à y voir plus clair sur certains aspects ; c’est pourquoi, le rôle de l’Union européenne et du Parlement européen, seule instance démocratique est crucial pour réinventer la politique commerciale européenne et défendre le juste échange.