Présentation du rapport sur la Convention d’Istanbul contre les violentes faites aux femmes

Lors de la réunion des commissions LIBE et FEMM du 12 avril, j’ai présenté mon projet de rapport sur l’adhésion de l’UE à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique – la Convention d’Istanbul.

La Convention d’Istanbul est le premier instrument international juridiquement contraignant sur les violences faites aux femmes. Par ce projet de rapport, nous appelons, avec ma Co-Rapporteure Anna-Maria Corazza Bildt, à une adhésion de l’UE la plus rapide possible car nous devons urgemment agir pour protéger toute les femmes ; où qu’elles soient en Europe.

J’ai présenté à mes collègues les points essentiels de cet exigeant projet de rapport : l’adhésion de l’UE doit être la plus large possible et sans aucune réserve, les États membres doivent prendre leurs responsabilités, car seulement 14 ont ratifié cette Convention, et surtout, ce projet de rapport n’est qu’une première étape. La Commission doit présenter le plus rapidement possible un acte législatif afin de renforcer la mise en application de la Convention dans l’UE.

L’échange de bonnes pratiques et les discussions n’empêchent pas les femmes de mourir jour après jour ».

Je remercie les rapporteurs fictifs des autres groupes politiques qui soutiennent à une grande majorité mon projet de rapport. Je tiendrai compte de leurs remarques pertinentes, en particulier sur la vulnérabilité des femmes handicapées et des femmes LGBT face aux violences. J’ai voulu leur rappeler l’urgence de la situation. L’échange de bonnes pratiques et les discussions sont, à ce stade, insuffisants. Il faut des instruments juridiques robustes, telle que la Convention d’Istanbul, afin de stopper toutes formes de violences envers les femmes. Le Parlement européen doit envoyer un signal fort sur la lutte contre les violences faites aux femmes, sans hésitations ou désaccords, et je défendrai cette ligne ferme dans les mois à venir.

« Merci Madame la présidente

Chers collègues, je suis fière de vous présenter aujourd’hui notre rapport d’initiative intérimaire sur l’accession de l’UE à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences domestiques ; la Convention d’Istanbul.

Quelques précisions sur cette Convention :

La Convention d’Istanbul a été adoptée le 7 avril 2011. C’est le premier instrument international juridiquement contraignant sur la prévention et la lutte contre les violences envers les femmes.

Le harcèlement sexuel, la violence sexuelle (dont le viol), la violence physique et psychologique ou le mariage forcé sont des actes de violence. Ce sont la plupart du temps perpétrés par des hommes et l’écrasante majorité des victimes sont des femmes. Cette violence basée sur le genre, qui s’inscrit dans un cadre plus large des discriminations et des inégalités entre les hommes et les femmes, est très répandue au sein de l’UE mais rarement signalée.

La Convention crée un cadre juridique global afin de protéger les femmes et les filles. Elle est basée sur une approche multidimensionnelle, dite des «trois P» – Prévention, Protection et Poursuites. Il incombe en effet aux États signataires de prendre un ensemble de mesures pour la prévention et la sensibilisation, la protection et l’aide aux victimes ainsi que la poursuite pénale des auteurs. La Convention définit et pénalise les diverses formes de violence à l’égard des femmes. J’insiste sur un point important : dans les procédures pénales diligentées à la suite d’une violence, les coutumes, la religion ou le prétendu honneur ne peuvent pas être considérés comme des justifications de ces actes. Trop de violences envers les femmes sont tolérées car la victime aurait transgressé des normes traditionnelles ou religieuses.

Afin d’assurer une mise en œuvre effective de ses dispositions, la convention établit également un mécanisme de suivi spécifique.

Tous les États membres ont signé la Convention mais à ce jour, seulement 14 d’entre eux l’ont ratifiée.

Le 4 mars 2016, la Commission européenne a proposé que l’Union puisse accéder à la Convention d’Istanbul. L’adhésion de l’UE garantira un cadre juridique cohérent européen. L’UE est compétente sur une part importante des dispositions, et peut donc ratifier en parallèle des États. J’invite tous ceux qui en doutent à se référer à la page 7 de la proposition de la Commission – les compétences y sont clairement listées.

Cette proposition est actuellement discutée au sein du Conseil. Une fois qu’un accord aura été obtenu au Conseil, le Parlement devra donner son approbation. Mais avant cela, nous allons adopter ce rapport d’initiative intérimaire afin de présenter nos priorités sur ce dossier.

Le travail que nous vous présentons, avec ma Co-Rapporteure Anna Maria Corazza Bildt pour la commission FEMM, est une position forte et exigeante. Je vais insister sur quelques points en particulier de ce rapport:

  • l’adhésion de l’UE doit être la plus large possible et sans aucune réserve. De plus cela n’exonère pas les États membres de leurs responsabilités. Je le rappelle : seulement 14 l’ont ratifié et c’est plus qu’insuffisant.
  • l’approche holistique, multidimensionnelle de la Convention est indispensable pour éradiquer durablement la violence contre les femmes. Nous insistons sur le changement de mentalités de l’ensemble de la société, avec les hommes et les garçons.
  • en tant que rapporteure pour LIBE, je suis très attentive aux dispositions sur l’asile et la migration. Notre rapport rappelle que les demandeuses d’asile et les migrantes sont très vulnérables et sujettes aux violences basées sur le genre. Cette violence peut être reconnue comme une forme de persécution selon la Convention de Genève de 1951 et nous appelons aussi les États à adopter une approche tenant compte du genre dans les procédures d’asile.
  • le Parlement doit être informé et impliqué, que ce soit durant les négociations au Conseil que dans le mécanisme de suivi. Une fois que l’Union aura adhéré à la Convention, la mise en oeuvre est le réel enjeu. Il faut s’assurer que des ressources adéquates et suffisantes sont bien allouées.
  • Nous demandons à la Commission de présenter un acte législatif – tel qu’une Directive – qui fournirait des définitions communes au niveau européen des crimes perpétrés envers les femmes et qui permettrait de renforcer la mise en application de la Convention. L’adhésion n’est que la première étape, notre combat ne s’arrête pas à ce rapport intérimaire.

L’adhésion de l’Union est un message politique fort sur l’engagement de l’Union à combattre toutes les violences à l’égard des femmes.

Avant de laisser la parole à Mme Corazza-Bildt et aux rapporteurs fictifs, je vous informe que la deadline pour les amendements est fixé au 26 avril à 17h ».

Et voici mon intervention pour conclure les débats:

« Merci beaucoup à chacun et chacune pour vos interventions qui démontrent qu’il y a vraiment un très grand consensus au sein du Parlement européen pour la signature de cette convention par l’UE.

Nous l’avons fait Mme Bilbao, en novembre dernier quand nous avons voté une résolution conjointe de pratiquement tous les groupes politiques du Parlement européen. C’était précisément pour demander aux États de signer et de ratifier, quand ils ne l’avaient pas fait, et aussi pour demander d’avancer sur cette signature par l’UE. Malheureusement cela prend du temps et nous l’avons entendu ; un certain nombre d’États membres considèrent que cela prendrait une part trop importante sur la souveraineté. Moi je dis : la violence contre les femmes n’a pas de frontières, on doit être en capacité de pouvoir protéger les femmes où qu’elles soient au sein de l’UE et les États membres n’ont pas à avoir peur de l’UE. L’UE est protectrice, elle n’est pas contre les États membres. Il faut vraiment avancer rapidement.

J’ai bien entendu la remarque de Mme Stevens et elle a raison : les personnes handicapées doivent être considérées comme des personnes vulnérables et il faut que ce soit bien précisé dans le rapport. Les personnes LGBT aussi et j’ai une pensée particulière pour ce qui se passe en Tchétchénie, aux portes de l’UE, et où on voit encore des volontés inadmissibles. En ce qui concerne la Pologne et le fait qu’on pourrait indiquer que dès lors qu’un État a ratifié la Convention d’Istanbul, il ne peut pas revenir sur sa parole. Certes mais je crois surtout que l’urgence est d’avoir la signature et la ratification par l’UE afin d’harmoniser à l’ensemble de l’Union. Oui la clause passerelle est un élément important à activer.

Nous avons une question de temporalité. L’échange de bonnes pratiques est une chose mais il y a trop encore de femmes qui meurent, de filles qui meurent sous les coups. Nous avons besoin d’instruments juridiques. La signature de la Convention par l’UE est un instrument juridique fort et la Directive que nous appelons de nos vœux le sera encore plus. L’échange de bonnes pratiques et les discussions n’empêchent pas les femmes de mourir jour après jour ».