Retour sur les auditions du 20 juin de la Commission d’enquête #Diésel
A l’occasion de la commission d’enquête sur la mesure des émissions dans le secteur de l’automobile (EMIS) qui a eu lieu lundi 20 juin au Parlement européen de Bruxelles, nous avons auditionné Christoph Gauss, chef du laboratoire de tests des émissions automobiles de Allgemeiner Deutscher Automobil-Club (ADAC). L’ADAC est un club automobile allemand (le deuxième club automobile du monde et le premier en Allemagne, qui compte 19 millions de membres). Il procède à des homologations pour le compte des autorités allemandes et il effectue des tests pour informer les consommateurs. Nous avons également auditionné Nick Molden, Président Directeur général et co-fondateur d’Emissions Analytics ; une entreprise britannique indépendante de test de véhicules, qui produit une base de données des résultats de ses tests, qui incluent surtout des tests d’émissions en conditions réelles grâce au système PEMS.
Audition de Christoph Gauss, chef du laboratoire de tests des émissions automobiles de Allgemeiner Deutscher Automobil-Club (ADAC)
“Merci Monsieur Gauss,
L’ADAC, parmi les responsabilités qu’elle a, protège les consommateurs. Vous le savez, les NOx entrainent 10 000 morts prématurées par an ; c’est donc un des enjeux sur lesquels vous avez a travaillé et je vous remercie pour les réponses apportées à nos questions. Dans les réponses aux questions 1, 3 et 4 vous indiquez plusieurs choses importantes, d’abord vous confirmez qu’il n’est pas nécessaire de désactiver le système anti-pollution NOx (EGR), car il ne risque pas d’endommager le moteur donc on peut le maintenir. C’est une information très importante. La deuxième chose que vous indiquez c’est que globalement la législation est bonne et en même temps on se rend compte qu’elle n’est pas respectée puisqu’il y a des différences entre les tests en laboratoire et les mesures en conditions réelles. Vous dites à la question 1 ne pas avoir trouvé le logiciel frauduleux chez Volkswagen, dans beaucoup d’auditions on nous dit que ces dispositifs d’invalidation sont très difficiles à trouver. J’ai donc une question à vous poser en lien avec votre réponse à la question 4, pensez-vous qu’il faudrait lever le secret des affaires en ce qui concerne le logiciel du véhicule, dans un objectif de transparence, pour que toutes les organisations puissent y avoir accès pour contrôler s’il y a désactivation voire fraude ?
Réponse de Christoph Gauss : « c’est une solution envisageable, dans la directive il y a un concept BES (Base Emission Strategy) et AES (Auxiliary Emission Strategy), et je crois qu’il faudrait que les autorités de certification disposent de ces chiffres, même s’il n’est pas nécessaire de donner toutes les informations. Mais dès à présent il faudrait avoir une indication concernant les informations de réception par type, ça aiderait à prouver qu’il n’y a pas de dispositif frauduleux dans le véhicule. Mais tester de manière expérimentale n’est pas possible plus d’une ou deux fois, ce n’est pas faisable. Il n’y a pas encore de solution véritablement utilisable, donc il faut qu’une stratégie en matière d’émission soit mise en place et que les logiciels utilisés soient rendus public pour l’agréation de type. »
« Merci beaucoup pour cette réponse. Selon de nombreux témoins, il semble qu’un seul dispositif antipollution ne soit pas suffisant, il faut le combiner à d’autres technologies, c’est souvent le cas pour les véhicules vendus aux USA mais c’est rare en Europe, pourquoi ? Et comment avez-vous agi sur ce point vis-à-vis des constructeurs automobiles ? »
Réponse de Christoph Gauss : l’ADAC ne recommande pas de conception particulière de véhicule, ni de technologie. Mais nous avons toujours préconisé des valeurs limites strictes. En Europe généralement il y a une ou deux technologies, l’EGR, la carte de stockage de NOx, le système piège à NOx (LNT). Nous avons également les filtres à particules, utilisés aussi pour les véhicules à essence. Grace à la pression sur les méthodologies de test et aux valeurs limites strictes, la situation s’améliore. »
« Concernant les tests d’émissions que vous avez opérés, quelle est la proportion de véhicules qui respecte les limites ? Quelle est la proportion de véhicules qui sont à 1,5 fois la limite ? Quelle est la proportion de véhicules qui sont à 2,1 pour mettre cela en relation avec le facteur de conformité ? Est-ce que les facteurs de 2,1 puis 1,5 sont technologiquement justifiés ?
Réponse de Christoph Gauss : « jusqu’à présent, les tests RDE n’ont pas encore été réalisés pour répondre précisément. Nous avons la base du test RDE qui est un test WLTP ; car on retrouve des émissions de CO2 dans le WLTP et qui sont reprise comme base dans le RDE; Je ne peux pas encore vous dire pour le moment combien de véhicules respectent le seuil de 2,1 fois ou 1,5 fois la norme d’émissions, on peut supposer que certains véhicules sont très bons, mais sur les trois tests RDE déjà fait aucun véhicule ne le réussit à 100%. En ce qui concerne les valeurs absolues, l’ADAC soutient le facteur de 1,5 mais nous ne voyons pas de nécessité à introduire le facteur 2,1 de façon provisoire, mais c’est mieux que rien. Entre 2,1 et 1,5 ce n’est pas une question de coût, la différence n’est pas grande, c’est plutôt une marge de sécurité, c’est atteignable et à l’avenir de plus en plus de véhicules seront en-dessous de ces seuils.”
“Dans un document de position de septembre 2015 vous indiquez que les véhicules qui utilisaient les dernières technologies disponibles respectaient complétement les normes européennes et n’étaient pas en facteur de conformité européenne. Combien de véhicules respectaient les normes, pourquoi n’y en a-t-il pas plus selon vous ?”
Réponse de Christoph Gauss : “La technologie existe, grâce à la recirculation des gaz d’échappement, le système de piège à NOx, et en les combinant il est possible d’avoir un véhicule propre, c’est ce que nous avons indiqué dans notre document de position dès 2015. C’est pour cela que nous avons demandé le respect d’un facteur de conformité de 1,5 parce que c’est techniquement possible.”
“Je voulais savoir quelle est la proportion de véhicules qui utilise dès maintenant une combinaison de technologies ?”
Réponse de Christoph Gauss : “Il y a plusieurs technologies, chacune permet d’obtenir un bon résultat, une combinaison de technologies permet d’atteindre le facteur de 1,5 mais je pense qu’aujourd’hui il y a peu de véhicules qui sont en capacité de respecter ce seuil de 1,5 en conditions réelles.”
Audition de Nick Molden, Président Directeur général d’Emission Analytics
“Comme vous avez répondu sur les PEMS, je vais vous poser une question sur les autres types de tests RDE qui existent en conditions réelles. Quelle est votre connaissance de ces autres types de tests, est-ce-que vous pouvez nous en parler ? Notamment les techniques basées sur le laser ou la télémétrie ? Qu’en pensez-vous ?”
Réponse de Nick Molden : “si j’ai bien compris votre question, il y aurait un autre instrument mobile qui utilise le laser et le FTR, et qui présente l’avantage de pouvoir mesurer en même temps un nombre de polluants plus élevés. C’est très prometteur mais il y a toute une série de défis qui n’a toujours pas été relevée : sur la taille, l’importance de la consommation de ces systèmes mobiles par exemple. C’est un fabricant japonais qui fabrique ces équipements ; mais c’est pratiquement deux fois le poids des systèmes que nous utilisons (PEMS). Je dirai donc que ce sont des technologies prometteuses mais ce n’est pas pour aujourd’hui. Avec notre système de test nous n’excluons pas la puissance du véhicule, tout cela doit se faire par le biais de batterie indépendante dans le véhicule ; donc il y a le poids des batteries et du système d’analyse, qui a une influence sur le poids global du véhicule. Je crois qu’il faut qu’on travaille sur ce système mais la capacité de mesure des polluants est une chose très importante.”
“Dans votre réponse à la question 4 vous avez répondu en parlant de stratégie de détection et de cycles de tests en laboratoire telle que la fenêtre thermique. Quelles sont les autres stratégies dont vous avez eu connaissance, sur quoi sont-elles basées et comment peut-on les court-circuiter ?”
Réponse de Nick Molden : “Nous n’avons pas la volonté de nous attaquer spécifiquement aux logiciels frauduleux. Nous avons fait cette constatation : ce qu’a fait Volkswagen est inhabituel et extrêmement complexe. De notre côté, nous essayons de faire les tests avec le plus d’avantages possibles et nous avons des stratégies bien documentées. Avec une technologie basique, il y des façons très simples de faire les choses et d’arriver à une stratégie d’optimisation sans utiliser des logiciels particulièrement complexes. La fenêtre thermique est entre les deux, c’est plus sophistiqué pour détecter un changement de température mais c’est assez proche de ce que faisait Volkswagen. Ce que nous avons constaté montre qu’il y a des possibilités d’utiliser la fenêtre thermique et que certains fabricants ne se gênent pas pour l’utiliser et nous avons fait un calcul qui a révélé d’énormes différences. »
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