Plusieurs députés engagés dans les travaux de la commission EMIS (mesure des fraudes aux émission des véhicules) et ENVI (environnement) du Parlement européen, moi y compris, ont cosigné une lettre adressée au membres du Comité Technique des Véhicules à Moteur pour les alerter sur les modalités du 3e paquet RDE qu’ils sont sur le point d’adopter. Le CTVM est le comité d’experts de la Commission européenne et des États-membres qui prend les décisions lorsqu’ils s’agit de décliner concrètement le cadre législatif européen qui concerne les véhicules à moteur, comme son nom l’indique. C’est ce comité qui, il y a tout juste un an, avait voté en faveur d’un facteur de conformité de 2.1 en ce qui concerne les émissions de NOx (donc un seuil de tolérance de 2.1 fois la limite). Et il est à présent en plein travaux pour définir précisément les modalités des tests en conditions réelles en ce qui concerne les particules, un autre polluant dangereux pour la santé humaine et la qualité de l’air.
C’est pourquoi avec mes collègues nous avons souhaité alerter les membres du CTVM sur la faute politique que consisterait l’adoption d’un nouveau facteur de conformité en ce qui concerne les particules, en prévision du vote qui devrait avoir lieu en son sein le 7 décembre prochain.
Strasbourg, le 25 octobre 2016
Chèr(e) membre du CTVM,
Alors que vous êtes sur le point de trouver un accord sur la prochaine étape des tests en conditions de conduite réelle (RDE), nous souhaitons vous transmettre nos sérieuses préoccupations quant à la dernière proposition concernant cette importante procédure.
Tout le monde s’accorde sur la nécessité d’introduire des tests fiables et efficaces pour vérifier les émissions des véhicules, à la lumière des preuves des émissions des nouvelles voitures Euro 6 nettement supérieures en conditions réelles, quand on les compare aux résultats des tests d’homologation en laboratoire. Près d’un demi-million d’Européens meurent prématurément chaque année à cause de la mauvaise qualité de l’air, il est donc d’une importance primordiale de s’attaquer à l’un des causes principales de la pollution – le transport routier. On ne peut que reconnaître l’importance d’une procédure de tests vraiment représentative, qui permette d’avoir des mesures précises des émissions des véhicules, afin de garantir la bonne mise en œuvre des normes antipollution dans le monde réel. Cependant, la dernière version du compromis pour le 3e paquet RDE semble aller dans le sens opposé, et risque d’affaiblir la portée réelle des futurs tests RDE.
La méthode choisie pour prendre en compte les démarrages à froid pose particulièrement question. En raison des faibles vitesses et de la densité du trafic, les démarrages à froid sont une source non négligeable de pollution (notamment les oxydes d’azote et les particules) en zone urbaine, là où les problèmes de qualité de l’air se font le plus ressentir. Mais inclure, c’est comme la proposition actuelle le fait, une période à froid de seulement 5 minutes pour tout le test RDE – lequel peut durer jusqu’à 1h30 – sous-estimerait grossièrement sa part proportionnelle dans un voyage urbain moyen. Près des 2/3 des Européens font moins de 10 km par trajet C’est pourquoi nous vous demandons de soutenir l’option consistant à représenter de façon plus juste les émissions des démarrages à froid, c’est-à-dire l’approche dite « 2a » de la Commission européenne. De la même façon, des données récoltées de façon indépendante et réaliste –grâce aux PEMS – devraient être utilisées pour rendre compte de la régénération des filtres à particules, plutôt que de se reposer sur les mesures extrêmement peu fiables tirées des tests NEDC, notoirement obsolètes, en usage aujourd’hui.
Nous saluons en revanche l’élargissement des tests RDE à la vérification des émissions de particules (et vous appelons à faire de même pour tous les autres types d’émissions actuellement encadrées par des normes européennes et mesurables par des PEMS). Cependant, il est important de le faire d’une façon robuste, qui utilise une technologie de pointe, par exemple les filtres à particules essence (GPF), en ce qui concerne les moteurs à essence les plus récents. De la même façon que les filtres diesel, les GPF ont démontré leur efficacité pour supprimer presque toute la pollution engendrée par les particules, ce qui prive de fondement la discussion autour des facteurs de conformité pour les nombres e particules, et fait que le facteur de conformité de 1,5 proposé par la Commission est inutilement élevé.
De surcroit, pour s’assurer que le test est bien représentatif des émissions en conditions réelles, il faudrait à l’avenir utiliser uniquement des carburants locaux, afin que les émissions qui résultent de leur combustion soient correctement prises en compte.
Enfin, en ce qui concerne le calendrier, nous voudrions vous rappeler que l’Annexe I du règlement (EC) 459/2012 prévoit déjà l’introduction d’une limite du nombre de particule émises, dans le contexte des tests RDE attendus pour le 1er septembre 2017 pour les nouveaux types et le 1er septembre 2018 pour tous les véhicules. Nous comptons sur vous pour ne pas mettre en place des tests RDE de nombre de particules après ces dates.
Nous espérons que ces différents éléments seront pris en compte lors de vos délibérations au sein du CTVM dans les semaines qui viennent, pour garantir la robustesse et la représentativité des futurs protocoles de tests par rapport aux émissions mesurées sur la route. Nous évaluerons avec attention les propositions qui seront soumises au Parlement européen dans le cadre de son contrôle parlementaire, après le vote des experts nationaux prévu le 7 décembre.
Meilleures salutations,
Seb Dance, coordinateur pour le Groupe S&D en commission EMIS
Matthias Groote, coordinateur actuel pour le Groupe S&D en commission ENVI
Miriam Dalli, future coordinatrice pour le Groupe S&D en commission ENVI
Christine Revault d’Allonnes Bonnefoy, rapporteure fictive pour le Groupe S&D en commission EMIS
Gerben-Jan Gerbrandy, coordinateur pour le Groupe ALDE en commission ENVI & rapporteur pour la commission EMIS
Fredrick Federley, coordinateur pour le Groupe ALDE en commission EMIS
Bas Eickhout, coordinateur pour le Groupe des Verts en commission ENVI e EMIS