Retrouvez-ici ma tribune parue dans le Monde. Dès l’éclatement du scandale de la fraude aux émissions polluantes, plus connu sous le nom de « dieselgate », le Parlement européen s’est emparé de ce dossier et a décidé de mettre en place une commission d’enquête afin d’apporter tous les éclaircissements possibles.
Depuis, une enquête a été menée, conduisant à des conclusions que le Parlement européen a adoptées. Et c’est début avril que celui-ci entérinera plusieurs préconisations visant à empêcher qu’un tel scandale ne se reproduise ; parmi elles figure la création d’une agence européenne.
Cependant, le mal est déjà fait : des études viennent de démontrer que le « dieselgate » est à l’origine d’une surmortalité. Mille deux cents décès prématurés potentiels par an en Allemagne sont dus aux émissions supplémentaires causées par la fraude de Volkswagen, selon des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology et de Harvard. Malgré cela, et malgré nos efforts, rien n’est réellement prévu afin d’empêcher cette surmortalité, ni pour retirer du parc automobile des véhicules polluants qui n’auraient jamais dû être mis sur le marché et circuler.
Procédures longues et à l’issue incertaine
En effet, selon toute vraisemblance, le dispositif prévu par Volkswagen pour que les voitures en circulation respectent les limites d’émission n’aura qu’un très faible impact. Si cette simple opération de « recalibrage » ou « reprogrammation » n’a pas été prévue dès la mise en circulation initiale, c’est d’une part parce qu’elle réduit fortement l’espérance de vie du moteur, et, d’autre part, qu’elle augmente la consommation de carburant.
De plus, dès lors que ce rappel pour reprogrammer les véhicules reste volontaire, quel propriétaire d’un véhicule Volkswagen aura suffisamment de sens civique pour faire le choix de sacrifier une part non négligeable de son capital ? Une minorité seulement le fera, peut-être. Mais l’immense majorité restera certainement convaincue que « cela ne va pas changer grand-chose à la pollution », et refusera de payer le prix d’une fraude dont elle ne s’estime pas être responsable.
Enfin, tout comme pour la foudre ou le changement climatique, on est toujours convaincu qu’on ne va pas être touché. Les plus de 30 000 décès par an imputables au dioxyde d’azote émis par les véhicules à l’échelle européenne ne concerneront pas nos proches…
Dès lors, que faire ?
Soit mettre en place un rappel obligatoire des véhicules ; mais, dans ce cas, faute de compensations, les pouvoirs publics envoient comme signal qu’ils renoncent à jouer leur rôle. Car ce sera alors, après ce rappel, aux consommateurs de prendre en charge la poursuite judiciaire de Volkswagen pour « vice caché », puisque l’espérance de vie de leur véhicule et son coût d’entretien annuel seront impactés par une fraude dont ils n’avaient pas connaissance. Mais qui engagera ces procédures longues, complexes et à l’issue incertaine, face à l’armée d’avocats de Volkswagen et consort ?
La démonstration d’une Europe utile aux citoyens
Soit l’Europe s’inspire des États-Unis, où les droits des consommateurs ont été pleinement respectés : une indemnisation du préjudice subi a ainsi été obtenue, jusqu’à 10 000 dollars [9 211 euros] par client, obligeant Volkswagen à devoir payer les conséquences de ses actes, tout simplement. C’est la base, c’est logique, et pourtant en Europe nous en sommes loin.
Je suis convaincue que c’est au niveau européen que la protection des consommateurs doit se jouer : c’est une question d’équilibre, de rapport de force d’abord. De crédibilité ensuite. Enfin, c’est aussi là la démonstration d’une Europe concrète, directement et visiblement utile aux citoyens, que nous appelons de nos vœux. Alors que celle-ci fête ses 60 ans, quel meilleur moyen de démontrer une fois de plus son utilité, sa valeur ajoutée ? La pollution ne connaît pas de frontière !
Cette question est cruciale et centrale dans le vote qui va se jouer lors de la prochaine séance plénière du Parlement européen. J’appelle mes collègues à ne pas jouer le rôle de lobbyistes en chef de leurs champions nationaux. Il est de notre responsabilité politique de demander réparation pour les consommateurs européens floués. L’intérêt général et la santé des Européens passent avant le cours en bourse de ces entreprises. La santé des enfants dans les cours d’école m’importe plus que le salaire et les primes de M. Ghosn.